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Frifri menacée de délocalisation

Les représentants des 35 salariés de l'entreprise neuvevilloise préparent des propositions de sauvetage avec l'aide d'Unia

Le groupe américain Middleby manifeste son intention de fermer l'entreprise Frifri, à peine sept mois après en avoir fait l'acquisition. Les 35 employés de cette fabrique d'appareils pour cuisines professionnelles, à la Neuveville (Jura bernois), sont sous le choc. Ils préparent un dossier prouvant la viabilité de leur société et ont confié à Unia le soin de défendre leurs intérêts face à cette tentative de délocalisation.

Les salariés de Frifri à la Neuveville sont encore sous le choc. «J'ai l'impression qu'on nous sacrifie, que tout s'écroule», déplore une employée en larmes. Il y a quelques jours, tout comme ses 34 collègues, elle a appris de manière abrupte que la direction envisageait de fermer définitivement les portes de l'entreprise afin d'en délocaliser les activités à l'étranger. La lettre informant le personnel de ce projet imminent est datée du 26 novembre dernier. Son signataire invoque un «manque de profitabilité de l'entreprise» ainsi que le contexte de la crise économique mondiale qui a «entamé la compétitivité de Frifri et a rendu des changements urgents indispensables». Le texte précise également que, dans la perspective d'une délocalisation, il serait «trop coûteux de maintenir le marketing et la vente en Suisse». En clair, cela signifie qu'à la Neuveville, il ne resterait plus la moindre trace de ce fleuron industriel novateur fondé en 1947!

Le personnel s'organise
Entreprise vendue en 1980 au grand équipementier de cuisine professionnelle Franke, Frifri a été rachetée en avril de cette année par le géant américain de la spécialité, Middleby Corporation, coté au Nasdaq. «Pourquoi acheter notre entreprise pour la liquider après quelques mois? J'ai l'impression qu'ils ne s'intéressaient qu'à notre marque», commente un ouvrier dépité. Olivier Bryois, chef de production, réfute l'argument selon lequel Frifri ne serait pas rentable. «Nous sommes sur la voie de la progression, il suffit de nous laisser le temps de concrétiser nos objectifs et de nous donner les véritables moyens de les atteindre». Olivier Bryois fait partie du groupe de travail des employés de Frifri qui s'est constitué, avec l'aide d'Unia, pour proposer des solutions à la direction jusqu'au 12 décembre prochain, échéance du délai légal de consultation du personnel. «Nous proposons un certain nombre d'améliorations concrètes et réalistes qui démontrent que le maintien des activités à La Neuveville est plus rentable qu'une délocalisation».
Reste à voir le sort que le management réservera à ces propositions. «Le problème, c'est que la direction du groupe est à l'extérieur de l'entreprise: le directeur général est aux Etats-Unis, le chef des finances en Espagne et celui du marketing en Allemagne», déplore Jesus Fernandez, secrétaire syndical Unia de la région Bienne-Seeland, chargé de ce dossier avec ses collègues de la région Transjurane. Mandaté par le personnel pour défendre ses intérêts, Unia a confié le cas à un avocat pour vérifier la conformité de la procédure de consultation. Le syndicat a également organisé une séance du personnel vendredi dernier dans laquelle il lui a assuré son soutien actif, y compris dans la mise en oeuvre d'un plan social optimum, en cas de licenciements ou de liquidation du site.

Pierre Noverraz




Un brevet pour la solidarité

Doyen de Frifri, Jean-Claude Benkert prendra sa retraite l'été prochain. Cet électronicien de haut niveau est l'artisan majeur de pratiquement toutes les innovations développées par Frifri ces 25 dernières années. En 1982, il met au point la première friteuse professionnelle avec thermostat électronique. Deux ans plus tard, il invente une friteuse à encastrer à touches non apparentes qui fait un tabac, particulièrement en Allemagne. En 1984, il conçoit une ligne de cuisson combinant dans une même unité un grill, un bain-marie et une friteuse. Mais son plus beau «bébé», c'est un «Frying computer», un dispositif capable d'automatiser cinq programmes de cuisson, embarqué dans les appareils destinés au fast food. Jean-Claude Benkert a développé cette nouveauté européenne à fin 1997, en tant que salarié de Frifri. Mais son nom figure en toutes lettres sur le brevet déposé à l'Office fédéral de la propriété intellectuelle.
Face à la situation que vit son entreprise, cet électronicien s'apprête à lancer une procédure juridique pour faire valoir la paternité de son invention. «Mon but n'est pas de recevoir de l'argent. Je ne demande pas un centime. Ce que je voudrais, c'est que tous les appareils équipés de mon dispositif breveté ne puissent pas être fabriqués ailleurs qu'en Suisse». Une manière originale et percutante de mettre le fruit de ses 27 ans de travail chez Frifri et ses 35 ans de syndicalisme au service de la solidarité avec ses collègues, dans leur lutte contre la  délocalisation.

PN