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Jura: Un collectif d’indignés au chevet de la santé

Exaspérés par les hausses brutales des primes maladie, l’opacité de la LAMal et l’apathie des politiques, une quarantaine de citoyens jurassiens ont créé un groupe de pression qui a pour objectif principal d’instaurer à terme une «véritable assurance santé»

Les Jurassiens semblent mieux digérer le menu pantagruélique de la Saint-Martin que les augmentations à répétition des primes maladies. Issu de ce canton, un collectif citoyen «pour une véritable assurance santé» a en effet organisé vendredi dernier une conférence de presse à Delémont pour exprimer son indignation face à l’incurie ordinaire des élus en la matière. «Ce mépris de la population suisse fait froid dans le dos et nous incite à crier notre exaspération et à penser que les citoyennes et citoyens de ce pays doivent sortir du bois pour se positionner publiquement», a dit en préambule Denis Cattin, le coordinateur de ce groupe de pression.

Indépendant de tout parti politique, même si une bonne fraction de sa quarantaine de sympathisants possède une solide fibre sociale et a donc le cœur plutôt à gauche, ce collectif dénonce les travers et dérives du modèle actuel et appelle à en changer radicalement. «Le système de caisse maladie introduit de la concurrence dans un domaine, la santé, qui devrait en être exempt. Par cette pratique, les caisses maladie font reposer les coûts sur la population, alors qu’elles font fructifier les bénéfices de leurs organes dirigeants.»

Comme l’a rappelé Josiane Marquis, qui s’est exprimée en tant qu’assurée lambda, les primes ont plus que doublé depuis l’entrée en vigueur de la LAMal (loi fédérale sur l’assurance maladie) en 1996. Mais pas les salaires! «Un directeur d’entreprise paie la même prime qu’un ouvrier non qualifié. Ce système n’est absolument pas social.» Et de s’offusquer que «dans un pays riche comme la Suisse, une partie conséquente de la population se pose une question d’argent avant de prendre rendez-vous chez un médecin ou un dentiste».

Inertie et lobbies

Face à cette explosion des primes, une seule option aujourd’hui: changer de caisse ou de franchise. Une aberration pour ces Jurassiens excédés, qui ont dénoncé l’opacité et la complexité du régime auquel nous sommes soumis. Difficile effectivement de s’y retrouver dans la pléthore d’offres (environ 1400 possibilités d’après leurs calculs) proposées par la cinquantaine de caisses maladie actives sur le marché. Sans oublier, ainsi que l’a souligné le syndicaliste Thierry Cortat, que «ces changements occasionnent des frais estimés entre 800 et 1000 francs par assuré». Coûts que les assurés – «vaches à lait»  – supportent au final.

«Nous sommes face à un incendie et personne ne s’engage pour l’éteindre, a pour sa part constaté Suzanne Maître-Schindelholz, représentante de la Fédération romande des consommateurs. C’est juste dramatique et révoltant de savoir que pendant quatre ans les Chambres fédérales n’ont accepté aucune proposition pour réformer le système de santé et soulager les assurés.» Si rien ne bouge, c’est parce que la majorité des parlementaires qui siègent à Berne appliquent, selon Denis Cattin, «un transfert de loyauté en faveur des lobbies auquel ils sont attachés». Et cela, bien sûr, au détriment du peuple qui les a élus.

Le remède de ce collectif «pour une véritable assurance santé»? «Une caisse unique, entièrement publique ou alors construite sur le système de l’AVS, avec des primes fixées en fonction du revenu qui ne doivent pas excéder 10% du revenu disponible.» Rien de très nouveau. Leur solution ressemble à de précédentes initiatives balayées en votations. Mais à force de remettre l’ouvrage sur le métier, peut-être que l’idée fera son chemin dans les esprits, y compris outre-Sarine...  

D’indignés à indociles

Conscient que cette réforme ne verra pas le jour «avant longtemps», ce groupe de pression préconise toute une série de mesures à prendre d’urgence pour maintenir une offre de soins de qualité accessible à tous et éviter ainsi une médecine à deux vitesses. Telles que geler les primes maladie, valoriser les professionnels de la santé, réduire le prix des médicaments, obtenir une transparence des coûts, instaurer le dossier médical électronique obligatoire... Sans omettre la prévention – «parent pauvre de notre politique de santé» – qui devrait être sérieusement renforcée.

Cette conférence de presse était la première action concrète de ce collectif jurassien. «Elle visait à nous faire connaître du public et à susciter de nombreuses adhésions à notre groupe et à ses objectifs», a relevé Denis Cattin. Qui imagine à terme la création d’un collectif citoyen romand, histoire d’avoir davantage de poids au niveau fédéral. «Nous avons déjà des contacts dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Genève», a-t-il précisé.

La suite? Le lancement d’une pétition cantonale et la mise sur pied d’une manifestation début 2024, l’organisation d’un débat public et le soutien à l’initiative socialiste demandant un plafonnement des primes à 10 % du revenu. «Mais indépendamment du résultat des urnes, notre collectif poursuivra son engagement pour la création d’une véritable assurance santé. Et si les choses ne changent pas, si rien ne bouge, on pourrait rejoindre à terme le groupe des indociles, des indociles de la santé!» C’est dit.

 

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