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La création d’Unia racontée par des membres fondateurs

gâteau anniversaire Unia
© Olivier Vogelsang et Thierry Porchet

Cette année, Unia célèbre deux décennies de combats !

Unia célèbre cette année son vingtième anniversaire. L'occasion d'évoquer des souvenirs, mais aussi les défis qui attendent le plus grand syndicat de Suisse. Parole à des membres fondateurs...

«Le syndicalisme est une longue histoire de fusions»

Jacques Robert, ancien vice-président national du syndicat SIB.

Quand le grand congrès d'octobre 2004 a entériné la fusion de plusieurs syndicats (SIB, FTMH, FCTA, petite Unia), pour créer une grande organisation interprofessionnelle – le futur Unia – Jacques Robert avait déjà une certaine expérience en la matière. Le Genevois était alors le vice-président national du SIB (Syndicat industrie et bâtiment), lui-même né en 1992 d’une fusion (entre la FTCP et la FOBB). «Il faut savoir que, depuis les origines du syndicalisme en Suisse, dans les années 1830, c’est une longue histoire de fusions et d’unions pour être plus forts», rappelle le syndicaliste. La fondation d’Unia, qui a tout de même pris huit ans à se concrétiser depuis que l'idée à germé en 1996, visait bien sûr cet objectif d’efficacité.

Mais elle est également liée à la transformation majeure de l’économie suisse. «Au milieu du XIXe siècle, souligne Jacques Robert, la moitié des salariés étaient employés dans l’industrie, mais dans les années 1990, 65% d’entre eux travaillaient dans le tertiaire. Ainsi le SIB et la FTMH, deux des principales composantes de la nouvelle Unia, étaient essentiellement actifs dans le secteur secondaire, devenu minoritaire.» Il fallait donc une organisation de travailleuses et de travailleurs axée davantage sur le tertiaire, où le taux de syndicalisation était bas à l’époque. «Il s’agissait par ailleurs de faire front, face à l’offensive néo-libérale et à la dégradation voulue et en marche des conditions de travail, par un renforcement des rapports de force et de la capacité de lutte.»

Pour Jacques Robert, il est évident qu’aujourd’hui, Unia est plus fort que ne l’étaient séparément les différents syndicats qui l’ont composé. Plus professionnel aussi, avec une meilleure qualité de services aux membres. «Actuellement, les défis ne manquent pas, estime-t-il cependant. Les riches sont de plus en plus riches et la droite ultralibérale a abandonné toute idée de contrat social. La redistribution des richesses par l’impôt est remise en cause, la démocratie est attaquée de toutes parts. Dans ce contexte, les syndicats sont en première ligne pour défendre la justice sociale.» 


«Il fallait nous renforcer dans le secteur tertiaire»

Catherine Laubscher, ancienne secrétaire centrale de la «petite Unia». 

Si en vingt ans d’existence, Unia est devenu un acteur social qui compte en Suisse, la fusion des quatre syndicats qui en sont à l’origine ne s’est pas faite en deux coups de cuillère à pot. «D’abord, il y a eu la création par le SIB et la FTMH d’Unia, le syndicat du tertiaire, dit aujourd’hui la “petite Unia”, se souvient Catherine Laubscher, qui en était la secrétaire centrale. C’était un peu un ballon d’essai, ou un enfant né hors mariage, en vue de renforcer la construction syndicale dans le secteur des services privés, avant la grande fusion de 2005. Il y avait des réticences à celle-ci, notamment au SIB et à la FTMH, qui avaient des cultures syndicales assez différentes. Mais une fois la fusion réalisée, la sauce a étonnement très vite pris.»

A un moment, il est apparu nécessaire de créer un syndicat plus fort dans le secteur tertiaire, où de plus en plus de personnes étaient actives, mais où il était difficile de recruter des membres. «Un secteur qui était – et est toujours – un laboratoire des nouvelles formes de travail, d’exploitation et de précarité, déplore-t-elle. C’était aussi un secteur compliqué à organiser, recouvrant un grand nombre de branches, ce qui exige une coordination de toutes les forces syndicales. Et les secteurs traditionnellement forts et au bénéfice de bonnes conventions collectives ont fini par comprendre qu’ils risquaient de voir s’effilocher tous leurs acquis si le désert syndical qu’était le tertiaire perdurait, car les patrons risqueraient d’en prendre prétexte pour niveler par le bas les conditions de travail.»

Le fait que les gens n’avaient plus forcément un parcours professionnel rectiligne, et changeaient de plus en plus souvent de métier et de secteur d’activités au cours de leur vie, a aussi joué un rôle. «Cela a mis en évidence le besoin d’un grand syndicat interprofessionnel, permettant une continuité dans l’appartenance syndicale.»

Catherine Laubscher se félicite qu’Unia soit devenu une force incontournable en Suisse. «C’est un avantage indéniable à l’heure où la politique et l’économie ont besoin de contre-pouvoirs plus forts que jamais.» 


«Nous devons nous rapprocher des syndicats européens» 

Jean-Claude Rennwald, ancien membre du comité directeur de la FTMH et vice-président de l’USS. 

Pour cet infatigable syndicaliste, le rapprochement des organisations de défense des travailleurs et des travailleuses est tout ce qu’il y a de plus naturel. Jean-Claude Rennwald était membre du comité directeur de la Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (FTMH) lorsque celle-ci a fusionné avec le SIB, la FCTA et la petite Unia, en 2005. Mais il avait déjà apporté sa pierre à l’édifice quelques années plus tôt, en 1998, en œuvrant à la fusion de La Lutte syndicale (le journal de la FTMH) avec Le Nouveau Syndicat(celui du SIB), donnant naissance à L’Evénement syndical. «L’histoire syndicale, c’est en partie une histoire de fusions, note le Jurassien. Au tournant des XIXe et XXe siècle, par exemple, il n’existait pas moins de six syndicats dans l’horlogerie en Suisse.»

A ses yeux, l’intérêt de ces regroupements est de pouvoir tous tirer à la même corde, et de gagner ainsi en visibilité. «En créant Unia, on a pu formuler des revendications communes, par exemple sur les salaires minimums ou sur les premiers accords bilatéraux avec l’Union européenne. Avant, c’était moins évident de parler d’une seule voix.» Cependant, la fusion qui a permis l’arrivée d’Unia dans le paysage syndical suisse n’a pas fait que des heureux à l’époque: «Dans les premiers temps, il y a eu des démissions de membres qui y étaient opposés, se remémore Jean-Claude Rennwald. Mais ça n’a pas duré, même si le recrutement de nouveaux adhérents reste un défi permanent, qui nécessiterait sans doute d’accroître la présence du syndicat sur le terrain.»

Aujourd’hui, il en appelle même à chercher des alliances encore plus larges: «On raisonne trop en vase clos, considère-t-il. Il faudrait se rapprocher des syndicats européens, car nous faisons face aux mêmes problématiques qu’eux, telles que le dumping social. Les enjeux dépassent les frontières suisses. C’est d’autant plus important qu’Unia est la plus grande fédération de l’Union syndicale suisse.»

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Une vidéo réalisée par Olivier Vogelsang, Thierry Porchet et Virginie Zimmerli

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