Péril au rucher
«Le varroa est un acarien, à l'image de la tique, qui a été introduit accidentellement venant d’Asie. Il s'alimente du corps gras de l'abeille et est un vecteur de propagation de virus. Là-bas, les abeilles survivent assez bien avec. Ici, les colonies les plus faibles en meurent. Il s’agit de trouver un mécanisme de résistance pour vivre avec. On constate que certaines abeilles parviennent à identifier, grâce aux phéromones émises par les larves, celles infectées au sein des cellules fermées. Elles arrivent à les sortir, ce qui ralentit la propagation des varroas dans la colonie, explique Alain Lauritzen. On pourrait laisser faire la nature, mais l’évolution demande beaucoup trop de temps avec des résultats incertains. D’où les traitements utilisés. En bio, on emploie les acides formiques et oxaliques qui sont naturellement présents dans l'environnement et qui ne laissent pas de résidus.» Reste que le varroa continue à faire ses ravages. Il est la cause principale de la disparition annuelle de 15% à 20% des colonies d'abeilles. Et d’autres menaces sont dans l’air, tels le frelon asiatique et le petit coléoptère de la ruche. En plus des prédateurs, il y a bien sûr l’appauvrissement des ressources et l’utilisation des pesticides (lire ci-dessous).
Alain Lauritzen participe à l’étude fédérale «Agriculture et Pollinisateurs» pour évaluer les effets des mesures agricoles sur les pollinisateurs. Dans ce cadre, des agriculteurs vaudois, jurassiens et du Jura bernois testent des procédés agroécologiques et perçoivent des indemnités pour l'application de ces mesures. Parmi une dizaine de propositions pour améliorer la vie des abeilles domestiques et autres butineurs, Alain Lauritzen souligne l’importance de ne pas utiliser d'éclateur lors de la fauche de prairies. «L’avantage pour le paysan est d’économiser une journée de séchage quand la pluie guette. Mais aucun insecte n’en sort vivant.»
Pour une Suisse sans pesticides
Une petite route de campagne bucolique mène à Mollie-Margot, village de l’apiculteur Alain Lauritzen et de son épouse Murielle Kathari Lauritzen, présidente des Verts du district. Aux alentours des fermes, des banderoles clament: «2x Non aux initiatives phytos extrêmes». Le 13 juin prochain, deux initiatives «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse» et «Pour une eau potable propre» seront soumises au peuple. L’Union suisse des paysans (USP) s’y oppose. «Les entreprises agroalimentaires, comme Syngenta ou Bayer, manipulent les paysans, dénonce Murielle Kathari Lauritzen. Il y a une cinquantaine d’années, l’industrie du tabac nous disait aussi que fumer n’avait aucun impact sur la santé. Il est temps d’écouter la vraie science au lieu de rapports commandités par l’agrobusiness. L’éthique devrait passer avant les profits. D’ailleurs, la diminution des exploitations agricoles prouve bien que le système actuel n’est pas viable.» A ses côtés, Alain Lauritzen abonde: «On ne peut plus consommer quoi que ce soit sans trouver des traces de pesticides. De surcroît, le cumul et les effets cocktails sont peu étudiés. Alors qu’on sait que les produits utilisés il y a vingt ans sont encore dans nos sols. Même si on arrête tout maintenant, on n’en sera pas débarrassé. Plus d’un millier d’études prouvent la toxicité des pesticides sur les pollinisateurs.» L’apiculteur souligne les effets des néonicotinoïdes sur les abeilles: «Elles perdent leur sens de l’orientation. Et les mâles et les reines sont moins féconds. L’appauvrissement de l’environnement les fragilise aussi, car elles ont moins de ressources. Une agriculture qui favorise la biodiversité est donc essentielle. Ce n’est pas un principe de précaution, mais une nécessité pour sauvegarder la vie.»