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Les licenciements continuent chez Alstom

Site d'Alstom à Villeneuve.
© Thierry Porchet

Sur le site d’Alstom à Villeneuve, l’anxiété règne parmi les salariés. Soixante-cinq travailleurs ont déjà perdu leur emploi, soit la moitié du nombre prévu.

Un an après l’annonce de la restructuration d’Alstom à Villeneuve, l’avenir du site est encore incertain et les suppressions de postes toujours en cours. Les syndicats appellent à agir

Les syndicats ne cachent pas leur inquiétude pour le site vaudois d’Alstom, le géant français qui a avalé Bombardier en janvier 2021. A Villeneuve, soixante-cinq employés ont été licenciés depuis l’annonce de restructurations faite en décembre 2021. Le chiffre de 150 suppressions de postes avait alors été articulé, soit un tiers des effectifs, avant d’être ramené à 130. Depuis, l’anxiété continue de régner au sein de l’usine. Qui sera le prochain? Quand? Pourquoi moi et pas lui? Autant de questions que se posent les salariés qui préfèrent s’exprimer anonymement.

Dans un communiqué commun paru la semaine dernière, Unia, Syna, les Syndicats chrétiens du Valais (SCIV), la Société des employés de commerce (SEC) et Employés Suisse soulignent: «La situation d’incertitude qui prévaut actuellement constitue une menace pour l’emploi et la diversité du tissu industriel vaudois.» Un an après, les syndicats estiment qu’il «est certes tard, mais encore temps d’agir». Si les partenaires sociaux et la commission du personnel ont réussi à négocier un plan social jugé comme bon, validé par les employés, «les propositions pour assurer l’avenir du site n’ont pas été traitées avec le sérieux nécessaire jusqu’ici, ni par l’entreprise ni par le canton», regrettent-ils.

Le directeur des ressources humaines de Villeneuve, André Weber, indique quant à lui que des investissements ont été faits cette année pour assurer la pérennité du site, tout en renvoyant au porte-parole du groupe en Suisse: «Nous avons investi 2 millions de francs pour transformer Villeneuve en site de maintenance et de service. Nous sommes convaincus que notre stratégie est bonne, précise Andreas Bonifazi. Quant aux licenciements, on a pu réduire leur nombre à 130 – 65 jusqu’à maintenant –, et nous espérons encore qu’ils soient moins nombreux. Tout dépendra des nouveaux mandats dans la maintenance, ou même dans la production, car nous gardons les infrastructures.» Un employé veut y croire également, tout en regrettant que le savoir-faire se perde et qu’aucun programme de formation n’ait été mis en place: «La relève manque. Il faut miser sur l’apprentissage. Et ça, c’est de la politique.»

Parc technologique

«Alors que la société Alstom a le vent en poupe au niveau international, elle ne semble pas prête à maintenir des emplois en Suisse. Or, le développement de nouvelles technologies pourrait se faire sur le site de Villeneuve», souligne Abdeslam Landry, secrétaire syndical industrie d’Unia Vaud. Les salariés, avec le soutien des syndicats et d’experts du domaine ferroviaire, ont rédigé un rapport pour proposer des alternatives aux licenciements et à la transformation de l’usine en site de maintenance et d’entretien uniquement. «Cette option paraît en effet peu crédible du fait d’un volume d’affaires clairement insuffisant à moyen et long terme, les compagnies ferroviaires assurant en Suisse l’essentiel de ces services à l’interne.» Les syndicats plaident donc pour le maintien d’une activité de production et d’assemblage en réunissant plusieurs acteurs de l’industrie ferroviaire. Ils estiment que «diverses activités d’ingénierie, de production et de formation dans le domaine ferroviaire au sein d’un véritable parc technologique» pourraient être regroupées. Or, de nouveau, ni l’entreprise ni l’Etat de Vaud n’ont donné suite «aux travaux étayés des salariés sur ces variantes», selon les syndicats. «Le Canton ne semble pas avoir pris conscience de l’importance de maintenir les compétences dans le bassin économique du Chablais», déplore Barbara Pfister, secrétaire syndicale aux SCIV, tout en soulignant la tension inhérente à l’action politique dans un contexte d’économie privée. Reste que les syndicats en appellent à la responsabilité d’Alstom et de l’Etat de Vaud pour préserver un savoir-faire en construction ferroviaire en Suisse romande. Nos questions adressées au Département de l’économie, de l’innovation, de l’emploi et du patrimoine (DEIEP) étaient, à l’heure du bouclage de ce journal, lundi, restées sans réponse.

Bon plan social

«Après plusieurs mois de négociations ardues avec la direction suisse d’Alstom, les syndicats ont pu signer un plan social prévoyant des indemnités de départ et un dispositif progressiste de retraite anticipée, ainsi que des mesures de replacement et de réorientation pour le personnel.» Les syndicats et le personnel sont ainsi satisfaits du plan social obtenu. «Les plus de 62 ans ont de bonnes conditions concernant les retraites anticipées. Les mois d’indemnités sont corrects également pour les employés de longue date», indique Abdeslam Landry. Sauf que de nombreux salariés ont dû recourir à leur syndicat pour faire valoir leurs droits. «Une personne mise à la porte avant l’annonce du licenciement collectif, après plus de 30 ans de service, n’a pour l’instant pas eu droit au plan social. C’est scandaleux!» souligne le secrétaire syndical d’Unia.

Les syndicats notent encore: «L’échéancier de mise en œuvre des licenciements a pu être légèrement retardé, mais malheureusement leur nombre n’a pas fondamentalement été revu à la baisse.»

Charles* a choisi ce prénom d’emprunt «pour son côté princier». Il ne perd pas son humour, même s’il fait partie des 65 personnes licenciées en 2022. «C’est un bon plan social. Sans les syndicats, on n’aurait rien eu du tout.» Après plusieurs années au sein de Bombardier, racheté par Alstom en janvier 2021, il se dit toutefois confiant: «Il y a du boulot dans l’industrie, et avec de meilleures conditions de travail.» A Villeneuve, Charles ne cache pas qu’il en avait ras-le-bol: «Par exemple, nous devions récupérer les erreurs de montage de pièces venant d’Allemagne ou de Pologne. Cela avait un gros impact sur notre travail, mais ce n’était pas compris dans notre cahier des charges. Si vous interrogez les anciens, ils vont tous vous dire que c’est la catastrophe. Nos dirigeants sont incompétents. Voilà où ça nous mène…» L’annonce de la restructuration n’a donc pas surpris les travailleurs interrogés. Mais l’un d’eux souligne: «Si Alstom ne nous avait pas rachetés, cela aurait pu être pire. Laissons-lui une chance.»

* Nom connu de la rédaction.

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