«Découvrez l’expérience saoudienne ultime de Messi…» Le recrutement du footballeur par l’Office du tourisme de la pétromonarchie wahhabite n’est pas passé inaperçu. Plus récemment, nous n’avons guère pu louper non plus l’ancien coéquipier au PSG de l’Argentin, Neymar, poser fièrement devant un Boeing saoudien transformé en palace et mis à sa disposition. La débauche à coup de centaines de millions des deux stars du ballon rond doit servir l’ambition de Mohammed ben Salmane (MBS) de transformer le premier producteur de pétrole du monde en une destination touristique de luxe capable d'accueillir quelque 30 millions de visiteurs étrangers par an à l'horizon 2030. Mais alors qu’il cherche à faire de l’Arabie saoudite une destination de rêve, le prince héritier a ordonné de massacrer des migrants cherchant à franchir la frontière du royaume.
Comme le montre un rapport de Human Rights Watch, entre mars 2022 et juin 2023, des centaines, voire des milliers, de réfugiés éthiopiens ont été tués à la frontière avec le Yémen et tout autant blessés et mutilés. D’après les témoignages recueillis par l’ONG, les gardes-frontières saoudiens utilisent des mortiers et d’autres armes explosives, tirent à bout portant, sans épargner les enfants. Human Rights Watch évoque un possible crime contre l’humanité. Que nous pouvons rattacher à la sale guerre lancée par MBS contre les rebelles houthis du Yémen. Soutenue par les Etats-Unis et d’autres pays, l’intervention a coûté depuis huit ans la vie à quelque 400000 personnes, dont nombre d’enfants morts de faim.
La forteresse Europe, elle, ne tire pas sur les réfugiés, pas encore, elle les laisse crever de soif dans le désert ou se noyer au large de ses côtes. Depuis le début de l’année, plus de 2000 hommes, femmes et enfants ont sombré dans la Méditerranée. Le macabre bilan de 2022 est déjà dépassé. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 27000 personnes ont payé de leur vie leur tentative de passage vers l’Europe depuis 2014. Pour souligner l’ampleur de la tragédie en cours, rappelons qu’entre 1961 et 1989, 133 personnes avaient péri en tentant de traverser le mur de Berlin et le rideau de fer séparant les deux Allemagne, abattues par des gardes-frontières de RDA. Nous construisons maintenant de nouveaux rideaux de fer afin de protéger nos oasis de luxe. Ils n’empêcheront toutefois pas des millions d’êtres humains, poussés par la faim et la soif, de se mettre en marche. Et les oasis finiront bien par s’assécher. En détruisant notre environnement, notre système économique et social, qui, depuis la chute du Mur, s’est imposé presque partout, nous mène à la ruine. Cela devient de plus en plus évident. Comme il est certain que le sort qu’il réserve aujourd’hui aux migrants signe sa faillite morale.