Découvrir les luttes des autres
Ils sont venus du Pays basque. De Bayonne précisément. Claude, 63 ans, et Jean-Claude, 62 ans, se trouvaient déjà à Saint-Imier en 2012, pour le 140e anniversaire. Eléonore, 34 ans, participe pour la première fois à la rencontre. T-shirt sombre imprimé d’un «énergie noire» du nom d’un collectif anarchiste, les deux amis, à la retraite, sont venus s’informer des luttes de leurs congénères. Le premier, autrefois cuisinier, précise avoir toujours été «allergique à l’autorité et à l’injustice» et rêve d’un autre monde «plus sobre, plus fraternel». «Le capitalisme constitue le problème numéro un de l’humanité, vient ensuite la religion», affirme Claude, prônant la décroissance et un meilleur partage du travail. «Acheter en seconde main, recycler, faire avec le minimum et travailler au maximum deux heures par jour pour la collectivité», suggère le sexagénaire, opposé à l’argent et relativement optimiste quant aux chances de changement. «L’utopie fait vivre, même si je suis bien dégoûté.» Son ami opine et mise en plus sur l’éducation. Cet ancien dessinateur en bâtiment porte un regard amer sur le monde de l’emploi après avoir fait un burn-out. «J’étais engagé par une mairie qui consacrait tout son budget à des projets puérils. Révoltant. Au début, j’aimais bien le job et le travail en équipe, mais la numérisation a dématérialisé la communication. Violent. Seules les tâches choisies ont du sens.» Eléonore vit elle dans la marge, effectuant des boulots de ferraillage et de bucheronnage. «Etre anarchiste, c’est être responsable de soi, libre et respectueux des autres. Détourner les injonctions, les obligations. Il faut de l’imagination pour gruger le système», sourit la jeune femme. Quoi qu’il en soit, le trio note avec satisfaction la présence de nombreux jeunes. «La relève est assurée.»
De l’espoir à la clef
Posté pensivement au sommet du camping, Mateo, immobile, dit s’imprégner de l’énergie des lieux en vue de le comprendre et de se situer. Le jeune guitariste, originaire de Hambourg, a rejoint Saint-Imier avec des amis dans le but d’établir des connexions avec d’autres personnes. Il se définit comme anarchiste et associe le mot au respect des humains et de la nature, à la tolérance. S’il rêve d’un changement de système qui soit durable, il estime qu’il faut commencer par soi-même sans chercher à imposer sa manière de voir à d’autres. «Cette rencontre me donne de l’espoir, de l’énergie et me rappelle les choses essentielles», affirme Mateo, soucieux de ne pas tomber dans les pièges tendus par l’attrait de l’argent. A son retour en Allemagne en octobre, l’homme travaillera la saison d’hiver dans un bar «rassembleur», accueillant des concerts et des activités culturelles. Mateo s’occupe aussi de personnes autistes et handicapées mentales, les aidant dans leur quotidien. Deux activités qu’il apprécie, appréhendées comme un partage, un moyen de créer du lien.