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Les victimes de l'amiante bénéficieront d'une aide concrète

Un fonds d'indemnisation dédommagera les personnes ayant contracté une tumeur maligne

Les personnes ayant contracté depuis 2006 une tumeur maligne liée à l'amiante auront le droit à une indemnisation rapide. Chaque année en Suisse, environ 120 nouveaux cas de mésothéliome sont détectés. Ce cancer de la plèvre ou du péritoine a généralement une issue fatale.

La table ronde sur l'amiante, mise sur pied en 2015 à la demande de l'Union syndicale suisse (USS), a terminé ses travaux en fin d'année dernière. Sous la houlette de l'ancien conseiller fédéral Moritz Leuenberger, les représentants des employeurs, des syndicats et des associations de victimes se sont mis d'accord sur la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante et leurs proches. Chaque année en Suisse, environ 120 personnes tombent gravement malades après avoir été exposées à des fibres répandues par ce matériau. 20 à 30 d'entre elles ne bénéficient pas des prestations de l'assurance accidents obligatoire (LAA), mais de celles de l'assurance maladie ou de l'assurance invalidité, qui sont moins avantageuses, et se retrouvent souvent en situation de détresse financière. Il s'agit surtout de travailleurs indépendants, de femmes de ménage ou au foyer qui ont manipulé des vêtements contaminés, ou encore de résidents de zones proches de sites traitant de l'amiante.

Une bataille gagnée
«Un pas important a été franchi puisque nous avons résolu le problème concernant les victimes les plus mal loties», se félicite Vasco Pedrina, représentant d'Unia à la table ronde. «Ces personnes pourront désormais bénéficier des prestations de la Suva, la caisse d'assurance accidents, et obtenir un dédommagement pour atteinte à l'intégrité de 120000 francs. En outre, les conjoints survivants recevront une compensation comprise entre 50000 et 200000 francs en fonction de l'âge et une somme de 20000 francs est prévue pour les enfants jusqu'à 25 ans. Cette bataille a été gagnée et le résultat dépasse même le mandat fixé par le Conseil fédéral puisque nous avons encore obtenu deux autres choses: les personnes assurées à la LAA pourront également obtenir une réparation et la création d'un "care service" permettra à toutes les victimes de l'amiante et à leurs conjoints d'obtenir des conseils et une assistance psychosociale.» Ce service gratuit entamera ses activités dans la première moitié de l'année dans la région zurichoise avant de les étendre dans l'ensemble du pays. «On peut seulement regretter que tout cela arrive si tard, on aurait dû le faire il y a plus de quinze ans.»
Toutes ces prestations seront financées par un fonds géré par une fondation. Une centaine de millions de francs seront nécessaires à son fonctionnement jusqu'en 2025. Quelque 30 millions ont déjà été trouvés auprès des commissions professionnelles paritaires, de l'industrie de transformation de l'amiante, des entreprises ferroviaires et du secteur des assurances.

Un soutien critique
Tout en soutenant «dans ses grandes lignes» le résultat de la table ronde, le Comité d'aide et d'orientation des victimes de l'amiante (Caova) a toutefois décidé de s'abstenir de l'approuver. «L'organisation de cette table ronde, qui était l'une de nos revendications, constitue une victoire, mais une majorité de nos membres a estimé que nous ne pouvions pas y apporter notre caution», explique François Iselin, expert technique du Caova qui a participé aux séances. «Les victimes devront apporter la preuve de leur exposition à l'amiante, ce qui est difficile. Seul un quart d'entre elles seront indemnisées, c'est une discrimination énorme, et elles devront renoncer à la possibilité de recourir devant des tribunaux. Il n'existe par ailleurs aucune volonté d'informer les travailleurs immigrés. Nous pensons dès lors que les propositions de la table ronde doivent être améliorées et notre position est un soutien critique», souligne le Vaudois.

Une solution défendable
Vasco Pedrina balaie ces récriminations: «Le Caova avance des chiffres internationaux, la table ronde, elle, s'est basée sur des données suisses. Mais, effectivement, le fonds s'adresse en priorité aux victimes de mésothéliome. Ce cancer de la plèvre ou du péritoine est la maladie la plus grave liée à l'amiante. Lorsqu'elle éclate, elle signifie une condamnation à mort dans les deux ans. Avec une dizaine de nouveaux malades par an, les cas d'asbestose tendent, eux, à diminuer grâce à l'interdiction de l'amiante obtenue en 1989 par une campagne syndicale. Selon les spécialistes interrogés par la table ronde, il est possible de traiter cette maladie, de même que les cas de fibrose pleurale et de plaques pleurales, et les personnes atteintes de ces maux sont le plus souvent en capacité de travailler. Il est toutefois prévu la possibilité pour les cas de rigueur de bénéficier d'une indemnisation selon les règles du fonds. Cette solution me paraît défendable, par contre il me semble difficile de justifier d'indemniser des personnes qui sont en mesure de travailler. Si nous vivions dans un paradis terrestre, on pourrait accorder une indemnité pour tort moral pour toutes les maladies professionnelles, même celles qui ne causent pas une incapacité professionnelle... Mais nous avons déjà de la peine à rassembler les 100 millions prévus!» Vasco Pedrina ne voit pas non plus de problème à la renonciation au droit de recours: «On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Les chances d'obtenir plus auprès des tribunaux sont probablement faibles, mais les gens restent libres de choisir cette voie plutôt que le fonds.» Enfin, l'ancien coprésident d'Unia juge infondé le reproche sur les travailleurs immigrés: «Nous devons d'abord mettre sur pied la fondation pour pouvoir commencer à verser les prestations. Ensuite, nous ferons un travail de communication et ce sera aussi la tâche des syndicats et des associations que d'informer les travailleurs immigrés rentrés dans leur pays d'origine. C'est quand même positif que ces travailleurs rentrés puissent bénéficier du fonds.»

Jérôme Béguin