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Licencié pour avoir parlé avec des inspecteurs

En se battant aux côtés d'un employé d'Atera Construction SA à Genève les syndicats mettent le doigt sur une grosse fraude

Almiro a été licencié sur-le-champ par son employeur, Atera Construction SA, et ce quelques heures après la visite du chantier par la Commission paritaire. Une situation inédite pour les syndicats genevois. En préparant la défense du travailleur, ces derniers se rendent compte que les salaires sont systématiquement payés en retard et que les cotisations sociales, jusqu'à preuve du contraire, n'ont jamais été versées. Le tout reposant vraisemblablement sur un système de faillite frauduleuse. Les syndicats demandent aux autorités de réagir.

«Je travaillais sur le chantier et nous avons eu un contrôle de la Commission paritaire du gros œuvre, raconte Almiro, maçon de 48 ans travaillant pour Atera Construction SA. J'ai répondu aux questions des inspecteurs. L'après-midi, le patron m'a demandé de passer au bureau le lendemain matin à la première heure. Et il m'a demandé de signer un document informant de mon licenciement sur-le-champ, sans me donner plus d'explications.» Almiro était le premier employé de l'entreprise Atera, fondée en septembre 2014. Il pousse alors la porte du syndicat Unia pour chercher du soutien. Les raisons invoquées pour justifier le licenciement sont économiques; or, le même mois Atera embauche plusieurs ouvriers... Convaincu que le licenciement d'Almiro est lié au fait qu'il se soit confié aux inspecteurs de la Commission paritaire, Unia monte un dossier pour licenciement abusif auprès des Prud'hommes. C'est là que le syndicat tombe sur un os. «En poussant nos recherches un peu plus loin, on s'est rendu compte que l'entreprise n'était pas à jour au niveau des charges sociales, remarque Umberto Bandiera, coresponsable du gros œuvre à Unia Genève. L'AVS, la LPP, la FAR, la contribution professionnelle et sans doute l'assurance perte de gain n'ont pas été honorées.» Selon les estimations des syndicats, l'ardoise s'élèverait à 500000 francs.
Après avoir réuni les travailleurs en assemblée générale, Unia met le doigt sur d'autres dysfonctionnements: retard de paiement dans les salaires, lacunes dans les contrats de travail. Contactée pour tenter de régulariser la situation, Atera Construction SA ne tient pas ses engagements et contraint les syndicats genevois à informer les médias.

Cas tristement révélateur
«Cette nouvelle affaire est révélatrice de ce qui se passe aujourd'hui dans la construction, regrette Thierry Horner, secrétaire syndical pour le SIT. Les salaires sont versés nets et l'entreprise ne paie pas les charges sociales, ce qui lui permet d'offrir des prix défiant toute concurrence, et ce sur le dos des travailleurs qui voient leur retraite et leur situation mises en péril.»
Les syndicats soupçonnent également Atera Construction SA et son administrateur de recourir à des faillites frauduleuses. «Depuis 2000, l'administrateur accumule des montagnes de procédures auprès de l'Office des poursuites et doit plusieurs millions de francs», révèle Thierry Horner.
Les syndicalistes s'interrogent également sur le vrai lien entre Atera Construction SA et l'entrprise Adrien Meier et Cie - Bacchetta SA, où Almiro a travaillé pendant dix ans. Cette dernière société a été liquidée quelques semaines avant l'ouverture d'Atera, qui emploie aujourd'hui les anciens administrateurs d'Adrien Meier et Cie - Bacchetta SA au sein de son administration. Etrange... «Il y aura sans surprise une nouvelle faillite, pense Thierry Horner. On demande déjà à l'Office des faillites de s'y préparer et de lancer une investigation sur cet administrateur pour faillites frauduleuses à répétition.»

Employés mobilisés
Face à cette situation complexe, comment agir? «Dans un premier temps, nous allons attendre les garanties des salaires et les preuves du paiement des charges sociales pour 2014 et 2015 promises par Atera, explique Umberto Bandiera. On espère que cela suffira pour que tout rentre dans l'ordre pour les travailleurs.» Cela dit, si l'administrateur est incapable de fournir ces preuves, les syndicats genevois demandent à l'Office cantonal des assurances sociales qu'il entame des plaintes pénales contre celui-ci. «Il faut que cela cesse, on ne peut pas se moquer du monde sur le dos de la société pendant des années en toute impunité.» Les maçons de l'entreprise, une vingtaine plus ou moins, restent quant à eux mobilisés et prêts à entamer des actions de lutte pour récupérer leurs cotisations sociales.


Manon Todesco