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Petit pas du Conseil fédéral vers un soutien aux proches aidants

Les parents d'enfants malades ou handicapés et les personnes aidant leurs proches sont dans l'attente de mesures concrètes

Cela fait des années que les proches d'enfants ou d'adultes nécessitant une assistance demandent des mesures pour que leur travail soit reconnu et qu'ils obtiennent des améliorations de leurs droits en cas d'absence de leur emploi. Le Conseil fédéral a enfin mandaté le Département de l'intérieur pour qu'il élabore un projet de loi. L'Union syndicale suisse salue ce petit pas, et demande de véritables soutiens.

Trois jours de congé par maladie, c'est le temps auquel les parents ont droit pour s'occuper de leur enfant malade, pour autant qu'ils présentent un certificat médical à leur employeur. Ces trois jours, en principe payés si les parents n'ont pas d'autres solutions de garde, sont dérisoires lorsqu'il s'agit d'enfants atteints d'une maladie grave ou accidentés. Il y a trois ans jour pour jour, lors de la Journée internationale du cancer de l'enfant du 15 février 2014, l'Association romande des familles d'enfants atteints d'un cancer (Arfec) et la Ligue vaudoise contre le cancer avaient lancé un cri d'alarme à Lausanne pour dire l'urgence de prolonger ce droit au congé. Un message partagé par d'autres parents dont les enfants souffrent d'autres maladies ou de handicap. Les associations déploraient la lenteur des autorités pour trouver une solution à une situation plongeant les proches aidants devant abandonner leur travail dans la précarité, voire la détresse financière, en plus des difficultés émotionnelles.
En décembre 2014, le Conseil fédéral se fendait enfin d'un rapport analysant la situation et proposant des mesures pour soutenir les proches aidants en Suisse. Un rapport qui répondait à plusieurs postulats et initiatives parlementaires portant sur l'aide aux parents mais aussi aux proches d'adultes atteints dans leur santé. Le gouvernement se donnait deux ans pour «l'élaboration des bases légales» afin d'améliorer la «sécurité juridique en cas d'absences au travail pendant une courte durée», et pour examiner les possibilités d'introduire un congé pour des tâches d'assistance de longue durée.
Un peu plus de deux ans plus tard, ces bases légales ne sont toujours pas sur le papier... Mais le 1er février dernier, le gouvernement annonçait avoir chargé le Département fédéral de l'intérieur «d'élaborer un projet législatif» sur ces questions. Cette louable intention ouvre la voie à une solution. Cependant, les parents devront encore s'armer de patience. Une fois rédigé, en principe d'ici la fin de l'année, ce projet sera soumis à consultation avant d'être finalisé puis débattu au Parlement fédéral...

Allocation similaire à l'allocation maternité?
Les grandes lignes données par le Conseil fédéral comprennent trois aspects: des modifications de la Loi sur le travail et du Code des obligations pour les personnes exerçant une activité salariée, une meilleure reconnaissance du travail des proches aidants dans l'AVS, et la mise en place d'offres pour décharger ces personnes.
Concernant le premier point, le gouvernement reconnaît que «les personnes exerçant une activité salariée doivent avoir le droit de bénéficier d'un congé de courte durée pour soigner un parent malade». Il précise qu'il sera nécessaire d'«élaborer une variante où l'employeur continue de verser le salaire pendant la durée du congé». Pour les parents d'enfants gravement malades ou victimes d'un accident, le Conseil fédéral veut «instaurer un congé pour tâches d'assistance de plus longue durée», afin que ces parents puissent rester dans la vie active pendant la période où ils s'occupent de leur enfant. Le gouvernement envisage aussi une variante prévoyant la couverture de la perte de salaire «par une allocation similaire à l'allocation maternité».
Autre aspect, le Conseil fédéral prévoit de faire mieux reconnaître l'engagement des proches aidants dans la loi sur l'AVS. Cette dernière contient déjà des bonifications pour tâches d'assistance pour des proches ayant au moins une «impotence moyenne». Le projet de loi devrait intégrer les soins ou l'aide aux personnes de «faible impotence».
La troisième forme d'action consistera à mettre en place des possibilités de décharger les proches aidants, par exemple avec l'aide de services bénévoles ou la mise à disposition de lits dans les EMS pour que ces personnes puissent prendre des vacances.

Travail non rémunéré plus élevé que le travail payé
L'Union syndicale suisse (USS) a salué le projet du Conseil fédéral. Sa secrétaire centrale Regula Bühlmann rappelle que dans notre pays, le temps travaillé sans être rémunéré est plus important que celui où l'on est payé. Ainsi, en 2013, le nombre d'heures de travail non payées était de 8,7 milliards contre 7,7 milliards pour les heures rémunérées. Ces heures non payées représentent, selon l'Office fédéral de la statistique, environ 410 milliards de francs. Et 62% de ces heures sont fournies par les femmes. Ces heures passées à s'occuper d'enfants ou de proches génèrent stress et fatigue, ou empêchent d'avoir une activité professionnelle et donc un revenu suffisant pour vivre, ce qui crée des lacunes dans la prévoyance vieillesse. L'USS demande au Conseil fédéral d'aller plus loin que ce qu'il a proposé. Par exemple en étendant le droit actuel du congé de trois jours pour les enfants malades à des proches adultes. Elle souhaite également que la création d'une allocation salariale pour les tâches d'assistance de longue durée ne soit pas qu'une variante mais un des points du projet de loi. L'USS demande aussi à étendre ces allocations à l'aide aux adultes. «Comme c'est souvent pendant la dernière phase de la vie professionnelle qu'il faut porter assistance à des proches âgés, le retour ensuite dans le monde du travail n'est de fait guère possible», souligne Regula Bühlmann. La faîtière syndicale souhaite aussi que le projet se focalise moins sur le travail bénévole que sur une plus importante participation des pouvoirs publics dans le soutien aux proches aidants. Et attend du Conseil fédéral qu'en plus d'alléger la charge au niveau financier, il s'efforce de le faire sur le plan temporel.


Sylviane Herranz


Quelques chiffres

Enfants
• Chaque année, environ un millier d'enfants supplémentaires sont concernés par une maladie grave nécessitant un important accompagnement des parents.
• Environ 8600 familles ont un enfant (lourdement) handicapé à domicile qui nécessite une assistance permanente.

Adultes
Proches aidants:
• 6% des personnes de 15 à 64 ans, interrogées dans le cadre de l'Enquête suisse sur la population active de 2012, soignent et assistent régulièrement des proches (personnes malades, handicapées, connaissances âgées de plus de 15 ans). Rapporté à toute la population en âge de travailler, cela représente 330000 personnes.

Personnes aidées:
• 13% des personnes de 15 à 64 ans, interrogées dans le cadre de l'Enquête suisse sur la santé de 2012, déclarent qu'elles ont dû solliciter une aide informelle au cours des douze derniers mois, soit entre 680000 et 750000 personnes.
• Dans 16% des cas, les personnes âgées de plus de 65 ans ont eu besoin d'une aide au cours des douze derniers mois. Cela représente entre 220000 et 260000 personnes.

L'ES

Chiffres tirés du Rapport du Conseil fédéral sur le soutien aux proches aidants du 5 décembre 2014.