Campagne contre ciment? Chaque jour, l’équivalent de huit terrains de football disparaît en Suisse sous le béton. Jusqu’où acceptons-nous cet étalement urbain? Voilà la question à laquelle devront répondre, le 10 février prochain, les citoyens helvétiques appelés à se prononcer sur l’initiative des Jeunes Verts «Stopper le mitage – pour un développement durable du milieu bâti». Un texte qui réclame un gel des zones à bâtir. Qui conditionne la construction de nouvelles surfaces au déclassement d’espaces de même taille. Qui entend préserver les terres cultivables sachant encore que, chaque seconde, près d’un mètre carré d’espace vert est perdu. De quoi donner l’ampleur du phénomène quand bien même tous les effets de la Loi sur l’aménagement du territoire ne se sont pas encore déployés. Mais la proposition des initiants va plus loin. Elle constitue un garde-fou supplémentaire à la législation existante, d’une durée limitée. Pas au goût des opposants qui jugent le projet extrême, rigide et, bien sûr, préjudiciable aux sacro-saints intérêts économiques de notre pays. Même s’il reste 300 km2de zone à bâtir. De quoi héberger 1,5 million de personnes supplémentaires... Les adversaires de l’initiative dénoncent encore les risques d’une augmentation du prix des terrains, des loyers. Dérives le plus souvent imputables pourtant à la spéculation immobilière mais qu’importe s’il faut convaincre. Et on connaît la force des résistances chaque fois qu’un projet audacieux – visionnaire? – en faveur de l’environnement arrive sur la table. Le monde paysan se montre lui aussi divisé sur la question. Entre une faîtière, l’USP, rejetant le texte de peur que de nouvelles halles pour poulets et cochons ou des serres ne puissent être érigées et des associations comme Uniterre soutenant le projet.
Dans tous les cas, l’initiative interroge sur le monde dans lequel nous souhaitons vivre. La place que nous désirons accorder à nos campagnes. A la souveraineté alimentaire de la Suisse. A la préservation de ce qui reste de la biodiversité – facteur clé de notre survie. A l’espace laissé aux autres espèces qui ont déjà vu leur habitat se réduire comme peau de chagrin. Le texte pose également la question de l’extension des routes et du trafic qui iront de pair avec la poursuite du mitage du territoire. De la pollution inhérente. La proposition prône, elle, une densification des quartiers durables. Une gestion efficiente des surfaces faisant la part belle aux îlots verts. Et de facto,un moyen de préserver les paysages. Espaces de détente pour tous. Bouffées d’oxygène essentielles. Comme la Suisse a déjà eu la bonne idée, il y a environ 140 ans, de protéger ses indispensables forêts. Mais bien sûr, une telle perspective ne permettra pas à chacun de posséder sa villa. Eternel paradoxe auquel sont confrontés les Suisses, entre l’envie d’accéder à la propriété individuelle – une personne sur deux l’espère – et l’impérative nécessité de protéger la nature.
L’approche des Jeunes Verts plaide, elle, pour une forme de décroissance. Un frein au développement effréné. Rappelant que le sol n’est pas extensible. Se souciant des générations futures. Si la population s’est dans un premier temps montrée plutôt favorable à ce texte, le risque que chacun veuille malgré tout défendre son pré carré se révèle bien réel. Un pré que tous ne rêvent hélas! pas vert.