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Quand ils ont annoncé trente licenciements ça a été une baffe

Le groupe horloger Fossil opère une grande saignée à Bienne chez Antima

Quatrième plus grand groupe horloger mondial, l'étasunien Fossil procède à une restructuration en Suisse. Une quarantaine d'emplois sont supprimés dont la majorité à Bienne. Un plan social a été élaboré après de longues négociations avec Unia.

«Il y avait déjà des indices que ça allait mal, mais quand ils ont annoncé trente licenciements, ça a été une baffe! Trente, c'est presque la moitié des effectifs de l'entreprise», témoigne Olivier (prénom fictif). Avec ses collègues, cet employé d'Antima a vécu comme un choc l'annonce fin août d'une réduction d'effectif. «Au mois de mai, de retour de Dallas, la directrice nous a convoqués pour nous dire que tout allait bien. Et moins de trois mois après, tout va mal», rend compte à ses côtés Marie-Laure (prénom fictif).
Fondée en 1971, Montres Antima a été rachetée en 2002 par Fossil. Ce groupe texan, qui emploie 14000 personnes dans le monde, se présente comme le numéro quatre sur le marché horloger mondial avec un chiffre d'affaires de plus de 3 milliards de dollars. Alléguant un ralentissement des ventes des montres au label swiss made, Fossil a choisi de supprimer une trentaine de postes dans la manufacture horlogère biennoise, mais aussi huit à Swiss Technology Components à Glovelier (JU) et autant à Swiss Technology Components à Manno (TI).

«On use les gens jusqu'à la corde»...
«Le sentiment général, c'est que nous avons affaire à des mauvais stratèges», explique Olivier. «Ainsi, en février dernier, nous engagions encore pour fabriquer la marque Tory Burch et désormais on licencie. Il y a huit mois, on nous a demandé de faire du swiss fashion, soit une montre swiss made en moins cher, et maintenant on doit arrêter. Cela relève d'un manque d'anticipation. Nous sommes fâchés aussi parce que nous avons le sentiment de nous être faits avoir par une direction arrogante. Nous devrions être satisfaits du plan social qu'on nous propose, alors que les indemnités de licenciement sont très faibles, qu'on va user les gens jusqu'à la corde et que Fossil va faire beaucoup d'argent sur les dernières commandes», souligne, amer, le salarié.

... «et on leur dit ciao et bonne nuit»
«Il faut mettre les bouchées doubles, finir tous les stocks d'ici à la fin de l'année», confirme Marie-Laure. «Sachant qu'à la fin de l'année justement on sera loin... On attend d'être un peu plus respectés. Au bout de temps d'années de service, il y a des gens qui ont fait gagner énormément au groupe et on leur dit ciao et bonne nuit.» Pour le moment, les noms des licenciés n'ont pas encore été communiqués. «On est dans l'attente, c'est long et stressant, il y a de l'angoisse et ça amène beaucoup de tensions entre collègues», ajoute la travailleuse. Et pour ceux qui resteront, l'avenir ne s'annonce pas rose. «Peut-être que dans une année l'entreprise fermera», s'interroge Olivier. «Quel intérêt de garder la société si on ne fait plus de swiss made? Il y a encore deux ans, on travaillait sur six marques swiss made différentes et désormais plus que sur deux.» Et l'atmosphère n'est pas au beau fixe. Alors qu'ils se tutoyaient il y a peu, un fossé s'est ouvert entre les employés et les membres de la direction.

Le personnel refuse le plan social
Après la période de consultation, un plan social a été présenté fin septembre à une assemblée du personnel qui l'a refusé à l'unanimité moins une voix. Les licenciements, ramenés à 28 (sur un effectif de 68 personnes), ont été suspendus et de nouvelles négociations se sont engagées, qui ont accouché d'un second projet de plan social. Lundi matin, à l'heure de mettre sous presse, il devait être soumis au personnel. «Nous ne sommes pas satisfaits, même si nous avons pu améliorer beaucoup de choses», commente Jesus Fernandez, secrétaire régional d'Unia Bienne-Seeland, qui a négocié longuement avec la direction. «On attendait mieux d'un plan social, on est déçu», indique Olivier. «Mais ce que nous avons pu obtenir, c'est grâce au syndicat, on ne l'aurait pas obtenu tout seul.»

Jérôme Béguin