Pour tout renseignement concernant les demandes de remise d’impôts, s’adresser à la Permanence impôts du POP, place Chauderon 5, à Lausanne. Tél. 021 312 06 76.
Quand l’Etat reprend d’une main…
Le Grand Conseil vaudois a renvoyé au gouvernement une motion demandant de corriger un effet pervers de la Loi sur les impôts, qui affecte les contribuables les plus modestes
C’est à une voix près qu’a été décidée, au Grand Conseil vaudois à la mi-juin, de rectifier une profonde injustice fiscale touchant les plus petits revenus du canton, soit près de 10% des contribuables. La motion déposée en janvier par le popiste Marc Vuilleumier, intitulée «Petits revenus et fisc, lorsque l’Etat donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre», a été adoptée de justesse, contre l’avis de la majorité de la commission chargée de l’étudier.
Contresigné non seulement par des élus de gauche, mais aussi par quelques députés du centre et de droite, le texte demande au Conseil d’Etat de corriger «un effet pervers» introduit dans une révision fiscale approuvée en octobre 2018. Cette dernière avait mis en place des mesures afin de répondre à une initiative exigeant une baisse d’impôts pour la classe moyenne. Parmi ces dispositions, la suppression de la déduction forfaitaire pour frais médicaux de 2200 francs et son remplacement par un plafond de frais effectifs de 3200 francs. Les personnes à revenus modestes, bénéficiant de prestations complémentaires (PC), de rentes-pont ou de subsides élevés pour l’assurance maladie ne peuvent dès lors plus déduire de montant forfaitaire, seuls les frais réels pouvant être comptabilisés. Quelque 40000 contribuables sont affectés par cette mesure, dont la conséquence est pour beaucoup une importante hausse de la taxation sans que le revenu ait changé.
Augmentations jusqu’à 96%...
Des bénévoles aidant à remplir les déclarations d’impôts 2020 avaient découvert le pot aux roses en début d’année. Dans sa motion, Marc Vuilleumier donne quelques exemples. Le premier est celui d’un bénéficiaire de PC disposant d’un revenu déclaré de 28440 francs en 2019 et en 2020, qui voit son revenu imposable passer de 7200 à 11500 francs en 2020, et ses impôts de 535 à 1052 francs, soit une hausse de 96%, presque le double. Le deuxième est celui d’un couple touchant des PC avec un revenu déclaré de 42660 francs pour les deux années. Son revenu imposable passe de 15700 à 20900 et l’impôt de 1132 francs à 1820 francs, soit une augmentation de 60%. Troisième cas, celui d’une personne bénéficiaire d’une rente-pont, ayant touché un revenu de 31657 francs en 2019 et de 31617 francs en 2020 et dont l’impôt est passé de 1193 à 1713 francs, soit une hausse de 44%.
Le 15 juin, lors du débat au Grand Conseil, Marc Vuilleumier a rappelé qu’il n’était pas, en 2018, dans l’intention du législateur d’aider les classes moyennes au détriment des classes les plus précaires. «C’est un des paradoxes de la question soulevée: ce sont les contribuables de condition très modeste qui financent la baisse d’impôts des classes moyennes ou aisées», a-t-il souligné, avant d’emporter l’aval du Parlement par 71 voix contre 70 et une abstention.
Solution rapide demandée
La motion charge le Conseil d’Etat de trouver une solution à cet effet pervers. Va-t-il le faire rapidement? «Ça dépendra de M. Broulis, qui n’est pas très pressé dans ces cas-là. Nous souhaitons qu’une proposition soit faite dans le cadre du budget de l’année prochaine. Il serait par exemple possible d’augmenter la déduction pour contribuable modeste», indiquait Marc Vuilleumier, après cette acceptation sur le fil, encore sidéré de devoir se battre pour rectifier une erreur si évidente. Une lutte soutenue par l’Avivo et onze autres associations vaudoises telles que le CSP, Caritas, Pro Infirmis, Forum Handicap ou encore le Mouvement populaire des familles. Ces dernières avaient adressé une lettre aux députés afin qu’ils prennent en considération la motion. Elles s’étaient également rassemblées, le jour du débat, devant les portes du Grand Conseil.
Pour les impôts 2020, Marc Vuilleumier et l’Avivo conseillent à toutes les personnes ayant été touchées par cet effet pervers de demander une remise d’impôts, comme l’avait suggéré le conseiller d’Etat Pascal Broulis en commission parlementaire. «Nous avons appris qu’à Aigle, la Commission d’impôts a rejeté systématiquement les demandes déjà déposées. Nous allons nous adresser au Conseil d’Etat pour qu’il rectifie cela», expliquait le député fin juin.