Une vidéo de Thierry Porchet
«Sans CCT, chaque employeur fait ce qu’il veut»

Présidente du comité vaudois des assistantes en pharmacie d’Unia, Fanny Hostettler apprécie la solidarité qui règne dans le syndicat.
Fanny Hostettler, assistante en pharmacie à Lausanne.
Le syndicalisme a été une révélation pour elle. «Dès que j'ai commencé à travailler, j'ai compris qu'il fallait être solidaires et se mobiliser pour améliorer nos conditions de travail, mais je ne savais pas comment m'y prendre», confie Fanny Hostettler, assistante en pharmacie à Lausanne. Le déclic est venu lors d'une réunion organisée par Unia Vaud. «Nous étions en pleine pandémie de Covid, une période difficile pour la profession, se remémore la trentenaire. Nous avions énormément de travail et nous étions très exposées au risque de contagion.» Unia avait alors invité les assistantes et les assistants en pharmacie du canton de Vaud pour en parler. «Grâce à cette séance, j’ai vu ce qu’on pouvait faire ensemble, avec l’aide du syndicat.»
Un métier difficile et mal payé
Depuis lors, l’engagement de la jeune femme ne s’est pas démenti. Elle est même devenue présidente du comité vaudois des assistantes en pharmacie d’Unia. «Cela prend du temps, mais c’est un plaisir. Le syndicat, c’est très amical, on se soutient les unes les autres.»
Fanny Hostettler se félicite d’avoir, avec ses collègues, fait un peu avancer la cause. «L’an dernier, nous avons lancé une pétition pour demander une revalorisation de la profession via une convention collective de travail (CCT). Nous avons récolté plus de 11000 signatures. En apprentissage déjà, les profs nous disaient que c’est un métier difficile et mal payé. Avec dix ans d’ancienneté, je ne gagne que 4800 francs brut, sans 13e salaire. Comme il n’y a pas de CCT, chaque employeur fait ce qu’il veut.»
A ses yeux, les salaires pratiqués ne sont pas à la hauteur de la pression que subissent les assistantes en pharmacie. «Nous avons beaucoup de responsabilités. Nous devons connaître les médicaments, leurs effets secondaires, leurs contre-indications. Il ne faut pas se tromper, sinon on peut mettre en danger la santé des clients. L’autre jour, j’en ai sauvé un. Son médecin lui avait prescrit un antibiotique à la pénicilline. Or, il y est allergique. Si je ne lui avais pas posé la question, ça aurait pu lui être fatal.»
A cela s’ajoutent des tâches de gestionnaire et d’employée de commerce, sans oublier des horaires pénibles. «Les journées sont longues, de 8h à 19h. A part pour le repas de midi, on n’est jamais vraiment en pause. S’il y a beaucoup de clients, on ne peut pas s’arrêter. Avec les salaires que nous touchons, ces conditions de travail sont indécentes.» Un sentiment qui semble largement partagé. «Nous avons fait un sondage auprès des collègues et, sur mille questionnaires envoyés, on en a reçu plus de 750 en retour.»
Côté CCT, il semble y avoir une petite ouverture. «Nous avons réussi à nous faire inviter à la prochaine assemblée de la Société vaudoise de pharmacie pour présenter nos revendications. Le but n’est pas d’entrer en conflit avec les patrons, mais de nous mettre d’accord avec eux pour qu’il n’y ait plus de dumping salarial entre les entreprises.»
Le tatouage dans la peau
Toutefois, Fanny Hostettler constate qu’il n’est pas toujours facile de mobiliser les collègues: «Avec les plus âgées, on est très soudées, mais il est difficile de motiver les plus jeunes, car elles savent déjà qu’elles ne vont pas rester longtemps dans cette profession.»
Elle-même ne se voit pas faire ce métier toute sa vie. Au début, elle l’a plutôt choisi par défaut. «Je n’aimais pas les études, alors il était clair que j’allais faire un apprentissage. Mon rêve, c’était de devenir tatoueuse», raconte celle qui a déjà tout un bras et toute une jambe tatoués. Mais il n’existe pas de CFC dans ce domaine. Elle effectue alors plusieurs stages, mais aucun ne la convainc. «Je finissais l’école obligatoire en juin et, en avril, je n’avais toujours pas trouvé de place d’apprentissage.» Enfin, elle fait un stage en pharmacie et ça se passe bien. Elle est engagée et obtient son CFC. «J’étais étonnée d’avoir réussi mon apprentissage, alors que c’est l’un des plus durs. J’ai toujours eu de la peine à me concentrer. D’ailleurs, on m’a par la suite diagnostiqué un TDAH (Trouble du déficit de l'attention, ndlr).»
Fanny Hostettler a aussi suivi une formation de styliste ongulaire, une activité qu’elle pratique en parallèle à son travail, après avoir réduit son taux d’occupation. Et elle n’a pas renoncé à son rêve de devenir tatoueuse. «J’ai toujours ça en tête. J’ai du matériel et je m’entraîne sur de la peau synthétique.» En attendant de sauter le pas, elle continuera de se battre pour l’obtention d’une CCT.