«Tout ça n’empêche pas, qu’la Commune n’est pas morte…»
Dans son dernier ouvrage, le journaliste Jean-Claude Rennwald revient sur les échecs de la gauche française et son rebond inespéré
La gauche, combien de divisions? Dans son dernier ouvrage, Le bout du tunnel, le journaliste Jean-Claude Rennwald, fondateur de L’Evénement syndical et collaborateur régulier de notre hebdomadaire, ausculte une miraculée. La gauche française revient en effet de loin. Après le tournant de la rigueur de 1983 et les années fric, que la gauche plurielle de Lionel Jospin, sanctionnée le 21 avril 2002 avec Jean-Marie Le Pen au second tour, n’avait su rattraper, puis le désastre du quinquennat Hollande, marqué notamment par la Loi travail, et, pour finir, la débâcle de l’élection présidentielle de 2022, symbolisée par le crash de la candidature socialiste (1,7%), on pouvait craindre qu’elle ne soit rayée de la carte, à l’image de sa consœur italienne. Pourtant, en l’espace de quelques jours, insoumis, écologistes, communistes et socialistes réussirent à s’unir à la faveur des élections législatives, à redonner de l’espoir au peuple de gauche et à rebondir.
Face à l’opposition déterminée de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), le gouvernement Borne-Macron, privé de majorité à l’Assemblée, en est réduit à user et abuser de l’article 49.3 pour faire passer ses contre-réformes. Avec les syndicats, qui ont aussi trouvé le chemin de l’unité, la gauche se réunit aujourd’hui dans la rue pour défendre les retraites. La mobilisation est pour l’heure réussie. La gauche peut conserver cette dynamique et l’approfondir, estime Jean-Claude Rennwald, si elle donne la priorité à ses fondamentaux que sont l’emploi, le temps de travail, le pouvoir d’achat, la formation, le logement, la santé, les retraites, les services publics ou l’égalité hommes-femmes, en laissant de côté ce qu’il est convenu d’appeler les sujets de société. L’ancien conseiller national jurassien et syndicaliste d’Unia serait-il un peu vieux jeu? Il ne faut pas perdre de vue, remarque-t-il, que ces revendications dites sociétales «ne font pas partie des priorités de la classe ouvrière et des classes populaires en général». La gauche ne peut être majoritaire que si elle parvient à fédérer les classes populaires et les classes moyennes derrière son projet. Comme l’ont encore montré les élections législatives, l’unité sans trop de failles reste la condition de la réussite. Une leçon qui, soit dit en passant, peine malheureusement à être entendue du côté de Genève. Faute d’accord entre ses fractions sur une liste commune pour les élections du 2 avril, la gauche de la gauche genevoise va être éliminée du Grand Conseil. Pour la troisième fois depuis 2005.
Mais revenons à Jean-Claude Rennwald, qui inscrit le rebond de la gauche française dans un frémissement des forces progressistes en Europe et dans le monde. «La Commune n’est pas morte», se réjouit le socialiste, en citant la chanson d’Eugène Pottier. Ces petites victoires enregistrées ici ou là ne suffisent toutefois pas encore à «faire revivre le socialisme, le syndicalisme et les mouvements sociaux». Conclusion: «Il est aujourd’hui indispensable d’internationaliser les luttes politiques et sociales, tant au niveau européen que sur le plan mondial.»
Jean-Claude Rennwald, Le bout du tunnel. Du suicide collectif au renouveau de la gauche française, Ed. Vérone, 2022, 202 pages.