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Yahoo! un plan social quasi virtuel

Le géant américain d'Internet quittera Rolle à fin mars laissant sur le carreau une trentaine d'employés

Yahoo! va quitter son siège vaudois à fin mars 2014 pour la Grande-Bretagne et l'Irlande. Une trentaine des 40 employés ne suivra pas son employeur. Un maigre plan social a été conclu, mais le personnel ne tarit pas d'éloges sur le processus de consultation mis en place par Unia augurant d'un changement de paradigme vis-à-vis des syndicats.

L'annonce de la fermeture du site européen de Yahoo! à Rolle, le 29 août dernier, n'a pas soulevé de vague d'indignation, et pourtant une mobilisation a eu lieu. Dans l'ombre, Unia a en effet intercédé à plusieurs reprises auprès de la direction de Yahoo!, sur mandat de 70% du personnel, afin de défendre un véritable plan social. «Unia n'a obtenu que quelques améliorations, mais a surtout assisté à une mobilisation nouvelle de salariés peu habitués aux syndicats», explique Virginie Lièvre, secrétaire syndicale pour le secteur tertiaire de La Côte à Unia. Deux employés contactés, mais qui ont préféré garder l'anonymat, soulignent l'excellent travail du syndicat, leur déception par rapport à Yahoo!, et le choc de la fermeture même s'ils s'y attendaient suite au dégraissage qui avait eu lieu en 2012.
Pour mémoire, en 2008, le géant américain d'Internet s'installait à Rolle en promettant de créer quelque 350 emplois. Il bénéficiait ainsi d'une exonération fiscale de 5 ans. En 2012, la réduction du nombre d'employés de 110 à 70 avait alors remis en cause ce cadeau fiscal. «Il y a eu une réduction de cette exonération, avec une reprise de 50% des impôts de 2008 à 2012, puisqu'il n'avait pas respecté les conditions», précise le syndic de Rolle, Jean-Noël Goël. «Etant donné que Yahoo! quitte Rolle en 2014, la Municipalité attend, du Conseil d'Etat, la décision de taxation de la société sur les années en cours.»

Un maigre plan social
Pour les 38 employés de Rolle, le choix n'a pas été aisé: rester et perdre son travail ou partir et refaire sa vie à Londres ou Dublin. Pour toute mesure d'accompagnement: un mois de salaire supplémentaire en cas de déménagement ou trois mois de salaire comme indemnité de départ. «Un plan social quasi virtuel pour des licenciements bien réels», résume Virginie Lièvre. Et une procédure de consultation d'une dizaine de jours seulement, qui sera finalement prolongée d'une semaine. Malgré la pression du temps, des propositions alternatives ont toutefois été faites par le personnel pour le maintien d'emplois dans la région et pour améliorer les conditions des transferts. En outre, l'Office de l'emploi a convoqué les diverses parties le 27 septembre dernier, mais sans résultat.
Après de nombreuses sollicitations, Unia, en collaboration avec le syndicat international Uni Global, a finalement été accepté à la table des négociations par la direction de Yahoo! mais n'a jamais été considéré comme un partenaire social. «La direction n'était pas du tout ouverte à un véritable dialogue social et à une vraie consultation», déplore Didier*, employé chez Yahoo!. Les relocalisations ont été négociées de manière individuelle. Mais des améliorations ont été obtenues: une augmentation des salaires et des réaffectations surtout à Londres, destination préférée par le personnel. La demande qu'il n'y ait pas de licenciement durant la première année de réaffectation n'a par contre pas été acceptée par la direction de Yahoo!. Dans les faits, au final, il ne serait qu'une dizaine d'employés à suivre la société en terres anglophones. Et donc près d'une trentaine à chercher un emploi pour avril, la fermeture effective du siège rollois étant prévue pour fin mars 2014.

Aline Andrey


Témoignages: un regard sur les syndicats transformé

«Le syndicat, on l'imaginait avec des drapeaux rouges, cassant des barrières ou incendiant des pneus...», lance Didier*, employé chez Yahoo!, avant d'ajouter: «Yves (Defferrard, secrétaire syndical d'Unia) a réussi à nous rassurer et à démystifier l'image qu'on se faisait des syndicats.» Une réussite donc pour Unia, même si le syndicat regrette les conditions de la fermeture du siège vaudois de Yahoo!.
Pascal*, un collègue de Didier, souligne: «Unia a été vraiment un support et nous a pris par la main, faisant preuve de beaucoup de patience. On a eu des réponses, et on a pu élaborer plusieurs stratégies toujours de manière démocratique.»
Didier revient sur l'annonce faite le 29 août dernier par Yahoo! de fermer son siège à Rolle. «C'était une chronique d'une mort annoncée. N'empêche, on a été toutefois submergé par le stress, le désespoir et l'incompréhension dans un premier temps, puis par un certain attentisme car nous n'avons aucune culture syndicale. Nous avons toujours été bien traités par Yahoo!, en termes de rémunérations, de formation continue...» Et les communications et les repas étaient gratuits. Bichonnés - du moins jusqu'à un certain point car le nombre d'heures passées dans la boîte était pour la plupart très élevé - les employés sont donc tombés des nues. «On nous traitait si bien et tout à coup, on nous proposait des salaires de 40 à 60% plus bas à Londres ou à Dublin... C'était inacceptable! Ça fait mal au cœur un tel revirement et avec tant de disgrâce, alors que j'adore mon boulot chez Yahoo!. Pourtant nous avions des solutions pour sauver des emplois en Suisse, mais cela ne faisait pas partie de leur plan et ils les ont balayées d'un revers de la main. Ils se sont foutus de nous», s'insurge Pascal, avant d'ajouter: «Heureusement, ils sont revenus sur le montant des salaires. D'avoir un peu grogné, a sûrement généré une prise de conscience de la direction qui a proposé ensuite des salaires de seulement 5 à 15% de moins, ce qui est mirobolant pour Londres ou Dublin.» Et pourtant, ce dernier comme son camarade ont décidé de rester à Rolle. Croyant que Yahoo! était là pour longtemps, ils se sont comme plusieurs de leurs collègues construit une vie ici. Pascal souligne: «Personnellement, j'ai acheté une maison, mon enfant est scolarisé... Et la qualité de vie en Suisse est exceptionnelle. Au final, on est tous un peu dégoûtés, mais on est jeune et on va trouver autre chose.» Peut-être à Novartis, qui propose de nouveaux postes de travail...

AA

* Noms connus de la rédaction.