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Où en est-on sur le front de la protection des délégués syndicaux?

En 2019, la Suisse se retrouvait sur une liste noire de l’OIT des pays violant les droits des travailleurs. Une médiation lui a permis de sortir de l’ornière. Les résultats sont attendus pour fin septembre

Il y a trois ans, en mai 2019, la Suisse avait été placée par l’Organisation internationale du travail (OIT) sur une liste noire de 40 pays violant gravement les normes de protection des travailleurs. En l’occurrence, pour notre pays, les conventions 87 et 98 protégeant la liberté syndicale pour la première et le droit d’organisation et de négociation collective pour la seconde. Ces deux conventions, ratifiées par la Suisse, devraient être appliquées dans nos frontières. Or, ce n’est pas le cas. Les délégués syndicaux et les représentants du personnel ne sont toujours pas protégés dans la loi contre le licenciement. La sanction maximale encourue par un employeur fautif se résume à 6 mois de salaire d’indemnités, soit pas grand-chose.

Confrontée à de nombreux cas de licenciements de militants et de délégués, l’Union syndicale suisse (USS) avait déposé une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale de l’OIT en 2003 déjà. En 2006, l’institution recommandait à la Suisse de prendre des mesures prévoyant une protection pour les victimes de ces congés du même type que celles existant dans la Loi sur l’égalité, soit la nullité du licenciement lorsqu’une personne fait valoir ses droits et la possibilité de sa réintégration.

La plainte avait ensuite été suspendue, le Conseil fédéral promettant d’adapter la loi. Mais elle a été réactivée par l’USS en 2012, avec de nouveaux cas de licenciements antisyndicaux. Sept ans plus tard, face à l’inaction persistante du gouvernement, la Suisse se retrouvait épinglée aux côtés d’Etats tels que la Sierra Leone, le Tadjikistan ou encore la Biélorussie sur la liste noire de l’OIT… Une situation peu glorieuse pour notre pays accueillant cette vénérable institution qui s’apprêtait à célébrer, en juin 2019, son 100e anniversaire. Pour sortir de l’ornière, le conseiller fédéral Guy Parmelin a proposé de mettre en place une médiation entre les partenaires sociaux afin d’améliorer la protection contre les licenciements antisyndicaux. Elle devait débuter en septembre et durer douze mois. Sur demande de la délégation suisse à l’OIT, constituée de l’USS, des patrons et de l’Etat, le Comité de la liberté syndicale acceptait de retirer la Suisse de la liste noire.

«Nous n’avons pas perdu l’espoir»

Trois ans plus tard, la médiation n’a toujours pas abouti, alors que les congés antisyndicaux se poursuivent. Ainsi, celui d’un délégué horloger à la vallée de Joux, un autre d’un délégué chez Kugler à Genève en 2019, ceux de quatre livreurs travaillant pour un sous-traitant de DPD au Tessin en début d’année, ou encore celui de la Résidence Notre-Dame à Genève (voir ici).

Où en est-on de cette médiation, menée sous l’égide de Franz Steinegger, ancien conseiller national et président du Parti radical? «Les discussions ont duré, en raison de la phase Covid et parce que les patrons ont mis longtemps à dire ce qu’ils veulent. Mais il y a eu une entrée en matière sur le fait qu’il faut changer la loi. On a l’impression que quelque chose est possible», explique Pierre-Yves Maillard, qui représente l’USS dans cette médiation. «Nous avons accordé une ultime prolongation de délai jusqu’à fin septembre à la partie patronale. Nous refuserons de le prolonger de nouveau. L’USS a fait ses propositions. Elles apporteraient des améliorations substantielles, sans être tout à fait conformes à ce que l’on souhaiterait. Nous attendons maintenant la position des patrons», ajoute le président de la faîtière syndicale, sans en dire davantage sur les mesures proposées. «Nous ne sommes pas extrêmement optimistes sur l’issue de cette médiation, mais nous n’avons pas perdu l’espoir. Si nous trouvons un accord, il faudra encore de longs mois de processus parlementaire pour sa mise en œuvre. Si nous n’obtenons rien, nous reprendrons la démarche auprès de l’OIT pour faire condamner la Suisse. Mais une condamnation ne protégera pas mieux nos délégués. Dans ce cas, il restera l’initiative populaire.»

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