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Canicule: graves carences dans la protection des ouvriers

ouvrier avec une bouteille d'eau fraiche sur un chantier
© Thierry Porchet

Selon l’enquête d’Unia Vaud, dans plus de 40% des cas la mise à disposition d’eau n’a pas été respectée.

Unia Vaud dénonce, sondage à l’appui, le manque «flagrant» de mesures pour protéger la santé des travailleurs actifs sur les chantiers en temps de canicule

«Nous savions que la situation n’était pas toute rose mais à ce point, c’est particulièrement inquiétant.» Coresponsable de la construction à Unia Vaud, Sébastien Genton commente les résultats d’un sondage lancé en urgence le 21 juillet dernier auprès des travailleurs de la construction du canton à la suite de la canicule qui s’est abattue sur le pays. Et après avoir constaté, lors de tournées des chantiers, quantité de mauvaises pratiques (voir L’ES du 27 juillet). L’enquête anonyme à laquelle ont répondu 600 ouvriers en quelques jours a révélé de graves lacunes en matière de prévention des risques liés aux chaleurs extrêmes. «Le constat est accablant. Même les mesures les plus simples comme la mise à disposition d’eau n’ont pas été respectées dans plus de 40% des cas. L’employeur a pourtant l’obligation d’en fournir étant, selon la Loi sur le travail, responsable de la santé et de la sécurité de son personnel», poursuit le syndicaliste. Une négligence pour le moins préoccupante. «Lors de canicules, il est préconisé de boire jusqu’à 6 litres d’eau par jour, notamment dans le cadre d’une activité physique comme la construction, en raison des dangers élevés de déshydratation», rappelle le syndicaliste.

Résultats alarmants

Les réponses apportées au questionnaire montrent encore que moins de 20% des travailleurs ont bénéficié de pauses de 10 minutes chaque heure comme le recommande pourtant le Secrétariat d’Etat à l’économie. L’aménagement de la journée de travail n’a guère été mis en œuvre non plus: seuls un cinquième des ouvriers ont pu démarrer leur activité à 6h du matin pour finir en début d’après-midi. Enfin, 8% des chantiers uniquement ont décidé d’interrompre les travaux les jours les plus chauds. «Les résultats sont tout bonnement alarmants», insiste Sébastien Genton, soulignant les menaces qui pèsent sur le personnel. «En 2019, un travailleur a perdu la vie sur un chantier fribourgeois à cause de la canicule. Cette même année, nous avons eu connaissance de trois ouvriers victimes de malaises dans le canton de Vaud. Mais les statistiques font défaut. Si un employé, à l’issue de la journée, consulte son médecin traitant ou le service des urgences en raison de problèmes respiratoires ou d’évanouissement, le cas ne sera pas répertorié. L’idéal serait que les professionnels de la santé et les hôpitaux tiennent des registres au niveau national.» Le collaborateur d’Unia précise encore que, bien que la Suva note de son côté ne pas recevoir de déclarations d’accidents liés à des températures élevées, on ne peut pas pour autant tirer de déductions optimistes. «Prenons, par exemple, le cas d’un travailleur qui tombe d’un escabeau. Même si la chaleur est à l’origine de la chute, elle ne sera pas mentionnée.»

Pénalités insensées

Dans ce contexte, Sébastien Genton mise sur une réaction de la Fédération vaudoise des entrepreneurs (FVE). Et l’invite à battre le rappel auprès des sociétés du canton pour qu’elles assument leurs responsabilités. «La FVE doit passer à la vitesse supérieure, prendre au sérieux le sujet de la santé des travailleurs et aussi intervenir au niveau national.» En clair: auprès de la Société suisse des entrepreneurs (SSE). «Il est impératif que la faîtière et ses membres appliquent les mesures de protection adéquates. Et cela alors que la problématique ne cessera de s’accentuer avec le réchauffement climatique.» Une voie dans laquelle ne semble pas s’engager la SSE à ce jour. Qui, cette année, dans le cadre des négociations relatives au renouvellement de la Convention nationale de la construction, revendique un passage à la semaine de 50 heures de travail en été. «Une aberration à la lumière de températures potentiellement extrêmes», s’indigne Sébastien Genton, notant encore que les sociétés ne sont pas les seules à jouer un rôle dans la préservation de la santé des salariés. «La responsabilité des maîtres d’œuvre, et en premier lieu les autorités publiques, est également engagée. Ceux-ci doivent accepter parfois des retards dans les délais d’exécution sans sanctionner financièrement les entreprises qui choisiraient de suspendre les travaux en cas de canicule. Ces pénalités sont insensées.» A ce propos, le collaborateur d’Unia Vaud plaide pour que les entreprises disposent d’une marge d’une quinzaine de jours dans la réalisation des travaux afin de pouvoir intégrer le risque d’intempéries dans leur planning. Une autre demande syndicale porte sur une meilleure reconnaissance du temps de pause. «Il faut cesser de privilégier les impératifs financiers au détriment de la protection des salariés – et également de la qualité du travail accompli. Il ne s’agit pas uniquement de conditions de travail, mais surtout de dignité et de respect des ouvriers.»

Plus d’informations sur la canicule: unia.ch/fr/monde-du-travail/de-a-a-z/construction/intemperies-construction/chaleur-ozone

Législation nécessaire

Les inquiétudes liées aux conséquences du réchauffement climatique sont partagées. Dans un récent communiqué, la Confédération européenne des syndicats (CES) a demandé à l’Union européenne une législation sur les températures maximales de travail. Et a rapporté que l’avant-dernière semaine de juillet, deux employés sont morts victimes d’un coup de chaleur en Espagne. En France, a encore souligné la CES, des accidents de travail liés à la touffeur ont coûté la vie à 12 personnes en 2020. Aujourd’hui, les pays de l’UE avancent en ordre dispersé et peu d’entre eux ont édicté des règlements en la matière. Une enquête d’Eurofound citée par la CES révèle pourtant l’étendue de la problématique. Selon cette dernière, 23% de l’ensemble des travailleurs du Vieux-Continent sont confrontés à la canicule. Dans l’agriculture et l’industrie, ce pourcentage s’élève à 36% et à 38% dans la construction. Les quelque pays disposant d’une réglementation sur les températures maximales de travail fixent la limite entre 27°C et 29°C. Loin des 34°C actuellement retenus sur les chantiers vaudois comme signal d’alerte. Une barrière jugée trop élevée dans certains métiers, estime Sébastien Genton, coresponsable de la construction à Unia Vaud: «L’expérience du terrain cet été nous montre qu’il faudrait plutôt l’abaisser à 29°C, 30°C dans les activités les plus exposées comme dans le génie civil, la pose d’enrobés, le terrassement ou encore les travaux de paysagistes.»

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