Politique de fermeture chiffrée. Seules quelque 15000 personnes ont sollicité la protection de la Suisse l’an dernier. Le chiffre le plus bas jamais enregistré depuis 2007, souligne l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR). Un nombre qui, loin de trahir une réduction des besoins d’aide, reflète la politique de repli et de rejet mise en place par l’Union européenne. Stratégie abjecte et mortifère soutenue par la Suisse qui n’a cessé de durcir ses conditions d’asile. Qui reçoit au compte-gouttes des réfugiés dans le cadre de programmes de réinstallation avec le HCR. Et applique avec un zèle intempestif le Règlement Dublin. Refoulant à tour de bras les exilés ayant transité par un pays tiers. Le plus souvent l’Italie quand bien même un accueil digne de ce nom ne peut plus aujourd’hui être garanti dans ce pays. Pas de quoi émouvoir nos autorités se soustrayant à leur devoir de solidarité et plus enclines à explorer des moyens de renvois et à les exécuter. Ou à défaut, à plonger des migrants dans un désarroi et une précarité indigne d’un Etat de droit.
Régulièrement, de nouveaux exemples illustrent cette politique anonyme, sans âme (voir en pages 6-7). Comme ceux de jeunes requérants d’asile déboutés, dont un grand nombre d’Erythréens, contraints d’interrompre leur apprentissage en vue de leur renvoi. Un départ jugé licite et exigible bien qu’impossible. Faute d’accord de réadmission avec leur pays d’origine. En raison des risques de torture et de maltraitance connus et d’astreinte au service national assimilé à du travail forcé pour ces ressortissants. Des arguments ignorés. Au grand dam d’employeurs, incrédules, qui avaient accepté de les former. Une manière de signifier à ces jeunes et d’autres qu’aucun futur n’est envisageable dans nos frontières. De balayer toute velléité d’intégration quand bien même on leur demandait jusqu’alors des efforts dans ce sens – cherchez l’erreur. Et de les priver d’un bagage de connaissances qui leur serait demain pourtant bien utile. Ici ou ailleurs. Le régime d’aide d’urgence auquel sont soumis les requérants déboutés est aussi pointé du doigt par des ONG réclamant son abolition. Cette pratique organisée par les cantons couvre les besoins minimaux des exilés, marginalisés, souvent entassés dans des logements modestes, interdits de travail. Promiscuité, désœuvrement forcé, précarité, détresse tissent la toile de ces existences entre parenthèses, sans perspective. But assumé de ce système: pousser ces parias à s’en aller. Ou à disparaître dans la nature. Pourvu qu’ils ne coûtent plus rien. Et tant pis si la situation s’éternise. Si partir reste du domaine de l’impossible ou du cauchemar.
La Suisse dispose pourtant des moyens d’agir différemment. De faire plus. Et mieux. Les nouvelles infrastructures de l’asile, précise l’OSAR, permettent d’héberger 24000 demandeurs par année soit 9000 de plus que le nombre de requêtes actuelles. Le curseur de la générosité peut donc encore bouger. La Confédération serait ainsi bien inspirée de participer à l’accueil de migrants sauvés en Méditerranée et/ou de l’enfer des camps libyens. Comme elle devrait élargir le champ des possibles en créant davantage de voies d’accès légales. Sûres. De leur côté, les requérants déboutés, déchus de leurs espoirs, ne méritent pas pour autant un traitement indigne. Notre humanité en dépend.