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Débat sur l’AVS au pays de la fée verte

Participants au débat.
© Thierry Porchet

La grande salle d’Unia à Fleurier, marquée par les luttes passées, a accueilli le comité régional et des membres pour réfléchir à la réforme de l’AVS.

Le Comité régional d’Unia Neuchâtel a discuté du projet de réforme AVS 21, et appelle à participer à la manifestation du 18 septembre à Berne

«AVS 21, une réforme perverse à plus d’un titre.» Alexandre Martins, secrétaire syndical d’Unia Neuchâtel, annonce la couleur. Il s’apprête à présenter, avec sa collègue Solenn Ochsner, le contenu de cette réforme aux membres du comité régional d’Unia Neuchâtel et aux militants réunis ce 23 août à Fleurier.

Il rappelle les principes du système des trois piliers: le 1er, l’AVS, censé couvrir les besoins vitaux des retraités sur une base solidaire; le 2e, soit les caisses de pension, fondé sur la capitalisation et devant assurer le maintien du niveau de vie antérieur; et le 3e pilier individuel qui se résume, dit-il, à un outil de défiscalisation. Chiffres à l’appui, le syndicaliste démonte le «catastrophisme financier» à l’œuvre lorsqu’il s’agit «de couler notre 1er pilier». Depuis 1975, le taux de cotisation à l’AVS n’a été augmenté qu’une fois, de 0,3% en 2020, alors que le nombre de bénéficiaires a doublé. «L’AVS est un acquis du mouvement ouvrier, financée solidairement, qui permet une répartition égalitaire des rentes, contrairement au 2e pilier où les femmes sont largement discriminées.» Le secrétaire syndical indique aussi que les arguments démographiques doivent être analysés à l’image du PIB. Ce dernier est passé de 238 milliards en 1975 à 660 milliards en 2013, soit une hausse de 275%. La part de l’AVS dans ce PIB est passée de 12 milliards à 40 milliards. «Le solde pour les actifs aujourd'hui est de 620 milliards, est-ce vraiment insoutenable?»

Espérance de vie, un argument?

Autre argument des fossoyeurs de l’AVS: la hausse de l’espérance de vie. «Oui, elle augmente; oui, le taux de natalité diminue; oui, il y a moins d’actifs par retraité. Mais ils oublient de dire que la productivité du travail a triplé depuis 1948! En 2013, une heure de labeur produisait trois fois plus qu’en 1948!» Alexandre Martins ajoute qu’il y a une volonté politique de laisser les déficits se creuser pour mieux attaquer l’AVS. Il souligne l’erreur permanente des prévisions du Conseil fédéral. Avec, par exemple, le conseiller fédéral Pascal Couchepin qui, à la fin des années 1990, annonçait un trou de 15 milliards de francs dans l’AVS pour 2012, justifiant ainsi sa volonté de relever l’âge de la retraite à 67 ans. Or, en 2012, le fonds de compensation de l’AVS a réalisé un résultat positif de 2 milliards. «17 milliards, c’est beaucoup pour une erreur de prévision…» lance le syndicaliste.

Retraite flexible et âge de référence

La réforme AVS 21 «a un goût de réchauffé», reprend Solenn Ochsner, avant de présenter les différents éléments du projet, dont certains, comme la hausse de la TVA, de l’âge de la retraite des femmes et la flexibilisation, ont déjà été rejetés par 67,9% des votants en 2004 (11e révision de l’AVS) et par 52,7% en 2017 (PV2020). AVS 21 prévoit de faire travailler les femmes jusqu’à 65 ans, d’augmenter la TVA, de remplacer l’âge légal par un «âge de référence» pour inciter les salariés à œuvrer au-delà des 65 ans, et de flexibiliser le départ à la retraite entre 62 ans et 70 ans. «Cette flexibilisation poussera les personnes à bas revenu ou ayant des lacunes de cotisation à travailler plus longtemps, alors que les riches pourront s’offrir une retraite anticipée!» s’indigne la secrétaire.

Moyens alternatifs

«Il existe pourtant des moyens alternatifs pour financer nos retraites», ajoute-t-elle, en listant les propositions. Notamment celle d’une hausse des cotisations salariales de 0,9% au total, qui pourrait remplacer les mesures d’AVS 21. Et celle de l’utilisation des bénéfices de la BNS. Cette dernière a réalisé, en 2019, un bénéfice de 49 milliards, soit bien plus que toutes les rentes AVS versées cette année-là. Rappelant encore les profondes inégalités à la retraite entre femmes et hommes, Solenn Ochsner invite à se mobiliser pour la manifestation de l’USS du 18 septembre à Berne, contre AVS 21 et pour des rentes dignes, soutenue également par la Grève féministe et par les jeunes de la Grève pour l’avenir de Neuchâtel.

Un dernier soutien qui étonne un délégué: «La Grève pour l’avenir prône la décroissance, ou la stabilisation. Si on veut continuer de payer des rentes AVS, il faut de la croissance. Il y a quand même une fortune monstrueuse en Suisse, c’est dans ces inégalités de richesse qu’il faudrait aller puiser.»

«Une initiative gravement stupide!»

Le militant évoque aussi le dépôt, en juillet, de l’initiative des jeunes PLR pour un départ à la retraite basé sur l’espérance de vie: «Cette initiative est gravement stupide! Ces gens de droite sont très gênés quand on leur demande pourquoi, quand ils licencient quelqu’un à 55 ans, personne ne le reprend… Ça ne fait qu’augmenter les coûts de l’aide sociale. Et je peux vous dire que si j’avais dû travailler jusqu’à 66 ans dans mon métier, pourtant de bureau, mon efficacité aurait été de 50%! Nous devons mettre ces éléments dans notre campagne, et montrer que 65 ans pour partir à la retraite, c’est déjà tard pour beaucoup de monde. L’économie engendre beaucoup plus de stress aux travailleurs aujourd’hui.» Un retraité abonde: «Oui, l’espérance de vie augmente, il y a des progrès médicaux, mais on ne peut pas dire qu’on a la force de travailler jusqu’à 70 ans.»

Egalité et hausse des salaires nécessaires

Un travailleur estime qu’il faut mettre en avant la question des salaires: «Le sous-financement de l’AVS est la fille de l’inégalité salariale. Pendant les neuf années couvertes par AVS 21, 9 milliards ne rentreront pas dans les caisses de l’AVS à cause de cette discrimination. Pourtant la richesse produite est beaucoup plus élevée. Nous devons aussi nous battre pour des salaires dignes, les salaires très bas n’engendrent que peu de cotisations à l’AVS. Nous ne devons pas accepter de rémunération en dessous de 4000 francs!» Alors qu’un jeune retraité s’interroge sur les risques de départ à l’étranger des employeurs si la parité des salaires est introduite, une militante exprime ses doutes sur les chances de succès de la nouvelle Loi sur l’égalité: «Dans onze ans, les contrôles instaurés en 2020, qui ne touchent même pas toutes les entreprises, seront arrêtés. Je ne suis absolument pas convaincue que l’égalité salariale verra le jour d’ici là.» Et de revendiquer une TVA sur les produits de luxe des riches. «Augmenter l’âge de la retraite des femmes, c’est augmenter le chômage des jeunes», remarque le président d’Unia Neuchâtel Christian Weber. «Il faut un âge de la retraite pour tous à 64 ans!» lance Solenn Ochsner, une idée qui semble largement partagée. Mais pour l’heure, il s’agit de combattre le projet AVS 21 qui pourrait être adopté par le Parlement en septembre. «Tous à la manifestation à Berne!» conclut Silvia Locatelli, secrétaire régionale, en informant que des bus gratuits (voir ici) sont organisés pour s’y rendre.

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