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Non à Frontex, oui à la solidarité!

Et si nous sortions de Schengen? A quelques jours de la votation sur l’augmentation du financement par la Suisse de Frontex, l’agence de gardes-frontières de l’Union européenne, la question mérite d’être posée. Le Conseil fédéral en a fait son cheval de bataille: voter Non, c’est remettre en cause l’appartenance de la Suisse à l’espace Schengen et à son office de contrôle de la forteresse Europe. Samedi passé, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, y est aussi allée de son couplet dans des journaux alémaniques: la conséquence d’un refus dans les urnes pourrait «être la fin de Schengen et de Dublin pour la Suisse». Et si c’était une aubaine? Une possibilité de redistribuer les cartes, de retrouver une politique d’asile, d’accueil et d’immigration non seulement «plus» humaine, mais humaine tout simplement?

Le système Schengen et les accords de Dublin, avec leur agence Frontex, sont une formidable machine à exclure et à broyer des personnes fuyant les guerres, la misère ou des dictatures. Frontex est le bras armé de cette Europe, jalouse de sa libre circulation des personnes intérieure, mais empêchant depuis des décennies des centaines de milliers de réfugiés de pénétrer sur son territoire, à coup de blocages aux frontières, de construction de murs, de barbelés, de barrières surmontées de lames de rasoir. Une inhumanité existant aussi à l’égard de ceux ayant réussi à franchir les murs de la forteresse, terrestres ou maritimes: des réfugiés trimbalés d’un pays à l’autre, refoulés, renvoyés dans leur pays d’origine au mépris des risques encourus et des traumatismes rencontrés durant leur exode.

Cette répression doit cesser. Ce n’est pas en accordant des millions de francs supplémentaires à une agence dont les exactions et les violations des droits humains ont été prouvées, et ont même conduit à la démission de son directeur, que cela aura lieu. Un sursaut est nécessaire. L’accueil des millions de réfugiés ukrainiens en Europe montre qu’une autre voie est possible. Mais il cache aussi l’inexorable loi d’airain de cette Union européenne sur ses frontières extérieures: en Pologne, des milliers de personnes, venant d’autres contrées en guerre, tentent toujours de quitter la Biélorussie. Celles qui parviennent à gagner les terres polonaises sont mises en détention, parquées dans des camps où les violences et les exactions sont légion, comme l’a dénoncé en avril Amnesty International. En Méditerranée, des migrants désespérés continuent de tenter la traversée sur des coquilles de noix, ou des bateaux surchargés, et à périr dans les flots.

Cette loi de l’Union européenne, c’est aussi celle de la Suisse en matière d’immigration. Une politique de division entre «bons» et «moins bons» étrangers, entre «bons» et «moins bons» réfugiés. Entre ceux ayant des papiers, et ceux qui, depuis 10, 20, 30 ans vivent et travaillent dans notre pays sans titre de séjour, sans pouvoir franchir une frontière, emprisonnés dans le pays le plus riche du monde. Une politique xénophobe et hypocrite. Qui suscite un sentiment de grand malaise face à l’accueil des exilés d’Ukraine. Une rancœur légitime chez tous ceux qui ont dû ou doivent encore lutter pour que leur droit d’être ici, de travailler et de vivre en Suisse, soit reconnu. Un ressentiment qu’il est important de ne pas diriger vers les nouveaux arrivés, mais bien vers un gouvernement qui joue la division.

Face aux pratiques inhumaines d’asile et d’immigration, masquant aussi des intérêts économiques, une autre politique, respectueuse de chaque être humain, est nécessaire. Un Non à Frontex dimanche serait une première victoire dans ce sens. Même si les sondages ne sont pas favorables, il reste quatre jours pour affirmer cette volonté. Chaque voix compte!