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Violence et harcèlement au travail: le Conseil des Etats doit se prononcer

Un homme pose sa main dans le cou d'une femme en train de travailler.
© Thierry Porchet

La Convention 190 vise à éliminer la violence et le harcèlement psychologique ou sexuel sur les lieux de travail. Adoptée en 2019, elle a déjà été ratifiée par 24 pays, dont l’Espagne, la Grèce et le Royaume-Uni.

Les sénateurs tiennent entre leurs mains la décision de ratification de la Convention 190 de l’OIT visant à lutter contre ces maux. Un oui ou un non sera décisif pour la Suisse…

La Convention 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la violence et le harcèlement (voir aussi ici), adoptée en 2019 à l’occasion du centenaire de l’institution dont le siège est à Genève, a déjà été ratifiée par 24 pays, dont l’Espagne, la Grèce et le Royaume-Uni. En Suisse, sa ratification est en cours de procédure parlementaire.
Le 18 mai 2022, le Conseil fédéral adoptait un message à l’attention des élus en faveur de cette ratification. Pour le gouvernement, cette convention, qui interdit la violence et le harcèlement dans le monde du travail et prévoit des mesures de prévention et d’aide aux victimes, offre des conditions-cadres «permettant de s’engager mondialement de manière plus cohérente et plus solidaire en faveur d’un travail digne». Il souligne que la Convention 190 établit une définition internationale de la violence et du harcèlement dans le domaine professionnel qui faisait défaut jusque-là. Il indique également que la législation suisse concrétise déjà le droit à un travail exempt de violence et de harcèlement et offre une protection élevée et efficace. Aucune modification de loi ou d’ordonnance n’est dès lors nécessaire en cas de ratification. La Commission tripartite pour les affaires de l’OIT, comprenant des représentants de l’administration, des syndicats (Union syndicale suisse et Travail.Suisse) et des employeurs (Union patronale suisse et Usam) a été consultée. Et tant les représentants des travailleurs que ceux des employeurs ont donné leur accord à cette ratification.

Immense dégât d’image

Le processus parlementaire pouvait démarrer, en toute confiance quant à l’issue des débats. Mais coup de théâtre. Lors de la session d’automne, le Conseil des Etats décidait de ne pas entrer en matière par 24 voix contre 20 au motif qu’aucune consultation ordinaire n’a été menée, que les termes de la Convention sont trop vagues et qu’il y a un risque de modification ultérieure. Le National a rectifié le tir en décembre, en approuvant la ratification par 124 voix contre 49, ces dernières venues principalement des rangs de l’UDC. La question retourne maintenant devant les sénateurs, qui scelleront le sort de cette ratification probablement lors de la session de printemps. La commission du Conseil des Etats chargée d’en discuter se réunit demain, jeudi 26 janvier.
L’enjeu est de taille. «Ce serait la première fois dans le monde qu’un pays refuserait de ratifier la Convention 190. S’opposer à ce texte visant à éliminer la violence et le harcèlement sur les lieux de travail et qui, de plus, ne nécessite aucune adaptation de notre droit, serait incompréhensible et provoquerait un dégât d’image immense pour la Suisse, pays hôte de l’OIT», réagit Luca Cirigliano, secrétaire central de l’USS et membre de la Commission tripartite pour les affaires de l’OIT. Un avis partagé par Marco Taddei, responsable des affaires internationales à l’Union patronale suisse.

Les employeurs acceptent la ratification

Comme le syndicaliste, Marco Taddei fait partie de la Commission tripartite et de la délégation helvétique aux conférences de l’OIT. «Refuser une telle convention écornerait l’image de la Suisse. Si le Conseil des Etats dit non, ce sera trop tard…» Le secrétaire patronal rappelle que notre pays a ratifié 62 conventions de l’OIT dont huit «fondamentales». Au-delà de l’image, les organisations patronales ont accepté la ratification après avoir obtenu des garanties. «La première version du message du Conseil fédéral ne nous satisfaisait pas. Des éléments concernant le champ d’application étant trop larges. Les trajets entre le domicile et le lieu de travail sont concernés, comme le télétravail ou les déplacements liés à l’activité professionnelle. En tant qu’employeurs, on ne pouvait pas accepter d’être responsables d’actes se déroulant hors de la relation de travail, par exemple de la violence dans un train ou du harcèlement par un voisin à l’encontre d’une personne en home office. Nous avons discuté avec le Seco, consulté des experts et le message a été modifié. Selon l’article 9 de la Convention, il existe des clauses de flexibilité selon les spécificités nationales. Le message actuel est tout à fait explicite sur ces situations. La Convention n’entraîne pas de responsabilité supplémentaire pour l’employeur, et le droit suisse garantit cela, d’où notre acceptation de la ratification.»
Marco Taddei lève aussi les craintes exprimées au Conseil des Etats en précisant que les conventions de l’OIT sont des textes statiques et non modifiables. Quant à la procédure de consultation, elle s’est faite dans les règles: «La procédure ordinaire ne s’applique pas pour les conventions de l’OIT. Seule la commission tripartite, où siègent les partenaires sociaux, est consultée.» Le secrétaire patronal invite donc les sénateurs à accepter la ratification, même si elle n’aura pas d’impact sur la législation suisse, cette dernière permettant déjà de lutter contre la violence et le harcèlement au travail. C’est une question d’image et de cohérence alors que la Suisse s’est engagée, en 2019 aussi, en signant la Déclaration du centenaire de l’OIT pour l’avenir du travail, un avenir centré sur l’humain.

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