Accord institutionnel: levée de boucliers
Le Conseil fédéral a présenté vendredi les grandes lignes de l’accord-cadre négocié avec l’Union européenne et ses limites en matière de mesures d’accompagnement. Les syndicats montent au front
Les lignes rouges ont été franchies! A peine connu, l’accord institutionnel négocié entre le Conseil fédéral et l’Union européenne (UE) a suscité une vive opposition de la part des syndicats. Ils avertissent d’emblée qu’ils combattront énergiquement l’accord tel que présenté vendredi par le gouvernement et soumis à consultation jusqu’au printemps.
Cet accord confirme les «pires craintes» de l’Union syndicale suisse (USS). Dans un communiqué, elle explique qu’il «entraînerait ainsi un démantèlement substantiel des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes et, de ce fait, de la protection suisse des salaires. Il interdirait à la Suisse de protéger ces derniers comme elle l’estime nécessaire. Il empêcherait toute amélioration des mesures d’accompagnement. Et c’est finalement la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui trancherait sur la protection des salaires en Suisse. Or cette Cour a prouvé à une nouvelle reprise il y a quelques semaines, dans un arrêt prononcé contre les dispositions autrichiennes de protection des salaires, qu’elle place les intérêts des employeurs, c’est-à-dire l’accès au marché intérieur, au-dessus de ceux des travailleurs.» L’USS fait ici référence à un arrêt remettant en cause les cautions en Autriche.
Mesures restreintes
Une telle limitation du système de cautions en Suisse (qui oblige dans certaines branches les entreprises étrangères à verser une garantie financière pour le paiement d’une éventuelle amende en cas d’infraction) est ainsi prévue dans l’accord institutionnel négocié. Selon le Conseil fédéral, cette caution ne pourrait être demandée que pour «les acteurs n’ayant pas déjà respecté leurs obligations financières», en clair, uniquement ceux ayant déjà été épinglés. L’accord prévoit en outre une diminution du délai d’annonce préalable pour le détachement de travailleurs des huit jours actuellement à quatre jours, et l’obligation d’une documentation pour les indépendants, aussi «basée sur les risques». Le gouvernement relève que ces trois éléments des mesures d’accompagnement seraient les seuls à être garantis par le texte de l’accord, car l’UE estime que certaines mesures ne sont pas «conformes au principe de libre prestation des services inscrit dans l’Accord de libre circulation des personnes de 1999». Depuis 10 ans, note le Conseil fédéral, Bruxelles exige leur modification, soulignant que cela a été «à l’origine de la volonté de l’UE de conclure un accord institutionnel avec la Suisse».
L’accord-cadre prévoit donc une adaptation «dynamique» du droit suisse à celui de l’Union européenne dans les domaines des cinq accords «d’accès au marché» (libre circulation des personnes, transports terrestre et aérien, obstacles techniques au commerce, agriculture) et des accords futurs. Il n’est plus question d’adaptation «automatique», mais la CJUE aurait le dernier mot en cas de divergence.
«Attaque de grande envergure»
En août dernier, l’USS avait annoncé avec fracas qu’elle ne participerait pas aux négociations sur les mesures d’accompagnement mises en place par le Département de l’économie, rappelant que ces dernières constituent des lignes rouges à ne pas franchir. Une position soutenue par les délégués à son dernier Congrès dans une résolution affirmant qu’au contraire, la protection des salaires et des conditions de travail doit être améliorée en Suisse au vu des détériorations constatées (hausse du travail temporaire, difficulté d’encaisser les amendes, problèmes des travailleurs âgés, salaires de référence trop bas, etc.)*.
Unia a aussi réagi fortement après la présentation de l’accord-cadre qui «dépasse toutes les craintes». Pour le syndicat, les mesures de déréglementation proposées par l’UE, comprenant aussi la réduction des contrôles, «constituent une attaque de grande envergure contre les salaires et les conditions de travail en Suisse». Unia rappelle que l’an dernier, plus de 40000 contrôles ont été effectués et que des infractions ont été constatées, sanctionnées et corrigées dans «des milliers de cas». Il avertit que «quiconque s’attaque aux mesures d’accompagnement remet en question la libre circulation des personnes». Unia, comme l’USS, plaident pour une amélioration des salaires et des droits des travailleurs dans toute l’Europe, gage d’une Europe sociale et unie.
*Plus d’infos: uss.ch sous Thèmes et Mesures d’accompagnement