A la veille de l’été, les îles grecques évoquent volontiers les vacances, la promesse de soleil et de mer. Une carte postale qui ne dit rien de l’enfer que vivent des dizaines de milliers de réfugiés de la mer Egée. Une population d’oubliés arrachés à leur foyer par la guerre, les persécutions, la misère qui croupit dans des abris de fortune surpeuplés, souvent depuis des années. Des laissés-pour-compte confrontés à des conditions de vie et d’hygiène déplorables, en particulier sur les îles de Lesbos, Samos et Chios. Manque de nourriture et d’eau potable, absence de soins médicaux, partage parfois d’un seul robinet pour 1000 personnes: à titre d’exemple, le sinistre camp de Moria accueille 20000 personnes selon la Croix-Rouge suisse. Bien loin des 2200 prévues. Promiscuité, ennui, attente, détresse psychologique, violences, attaques racistes, lutte pour leur approvisionnement composent le quotidien de ces exilés, retenus aux frontières extérieures de l’Union européenne. Ces invisibles privés de toutes perspectives. Traités comme des citoyens de seconde zone. Abandonnés du monde à l’exception d’ONG qui se démènent comme elles peuvent pour leur porter secours. Et alors que la menace liée à la pandémie de coronavirus fait encore peser sur ces centres saturés et insalubres le spectre d’une catastrophe humanitaire accrue. Imperméables aux prescriptions sanitaires pourtant en vigueur alentours et dans la plupart des pays.
Samedi dernier, le 20 juin, la Journée des réfugiés a rappelé cette terrible réalité. Elle a été l’occasion pour les associations actives dans le domaine de l’asile de réitérer leur appel en faveur d’une évacuation de ces centres de détention marqués du sceau d’une politique migratoire inhumaine. Illustrant l’égoïsme et l’attentisme d’une Union européenne qui a créé ces hotspots dans le seul but de tenir à distance les réfugiés. Laissant Athènes se débrouiller seule avec ces flux d’arrivants. Alors que les autorités grecques ne disposent clairement pas des capacités de prendre correctement en charge autant d’exilés. Qu’elles ont progressivement démantelé le droit d’asile. Cette manière de se débarrasser du «problème» est particulièrement indigne de l’UE, mais aussi de la Suisse, complice de cette politique isolationniste. Appliquant le règlement Dublin à la lettre. A ce jour, Berne n’a sauvé de la tragédie qui se joue sur les îles grecques que... 23 mineurs non accompagnés. Et même pas dans un élan d’humanité spontané. L’accueil de ces jeunes a été dicté par une obligation légale, ces derniers comptant de la famille dans nos frontières. Le Conseil fédéral a pourtant reconnu la gravité de la situation. Il a affirmé la suivre de près. Assez de beaux discours! Il doit aujourd’hui passer aux actes. Ni les infrastructures ni les ressources ne manquent, le nombre de requérants d’asile ayant drastiquement baissé dans nos frontières. Le 20 juin dernier, ce ne sont pas seulement 132 organisations qui ont pressé le gouvernement d’agir mais aussi quelque 50000 personnes signataires d’une pétition dans ce sens. La Suisse doit accueillir sans délai un important contingent de réfugiés de la mer Egée. Un geste qui redonnerait à sa tradition humanitaire, ternie par un manque d’engagement et une politique d’asile toujours plus restrictive, un peu de lustre. L’heure est à la responsabilité partagée. A une solidarité sans frontières. A l’évacuation immédiate des camps de la honte.