«Cette révision est une diablerie incarnée»
Unia s’oppose fermement à la modification de la loi valaisanne sur l’ouverture des magasins qui, entre autres, autoriserait les commerces à fermer à 20h
Le Canton du Valais a mis en consultation un avant-projet de révision de la Loi cantonale concernant l’ouverture des magasins (LOM). «Mesure prioritaire du programme gouvernemental», son objectif est d’«offrir davantage de flexibilité pour les horaires des magasins», a indiqué le Conseil d’Etat valaisan. A la faveur de cette modification de la LOM, les commerces du Vieux-Pays pourraient ne tirer leurs rideaux qu’à 20h en semaine et 18h le samedi et les veilles de jours fériés, contre, respectivement, 18h30 et 17h actuellement. Les communes auraient aussi la possibilité de décider d’une prolongation hebdomadaire jusqu’à 21h.
Retour à une forme d’esclavage
Cette perspective fait bondir Francine Zufferey, responsable du secteur tertiaire d’Unia Valais: «Cette révision tend à ouvrir le plus possible les magasins, c’est une catastrophe, cela va détériorer les conditions de travail et la vie privée du personnel de la vente sans aucune contrepartie sur le plan social et, de plus, entraîner la mort des petits commerçants. Il sera encore plus difficile de concilier vie privée et vie professionnelle, certains ne pourront plus faire partie d’un club de sport ou d’une fanfare, tandis que les parents devront trouver des solutions de garde, ce sera la croix et la bannière. C’est encore un coup bas contre les femmes qui sont majoritaires dans la vente. Avec les extensions voulues, on en revient quasiment à une forme d’esclavage. Les conséquences se feront sentir en dehors de la branche, si les commerces restent ouverts, les livraisons, les services ou encore les crèches seront aussi poussés à étendre leurs horaires.»
Selon la secrétaire syndicale, d’autres objets de la révision sont «insidieux». «Il est évoqué des magasins dits mixtes, un terme nouveau, mais qui pourrait autoriser des prestataires de service vendant aussi des produits à ouvrir le dimanche, comme des salons de coiffure ou des entreprises d’abonnement de téléphone. C’est dangereux. Il est question également de modifier la définition des zones touristiques, qui deviendraient, en perdant les critères de l’altitude et de haute et basse saisons, des localités pour lesquelles, je cite, “le tourisme joue un rôle essentielˮ. Ce qui suggère que presque tout le Valais serait une zone touristique, à commencer par Sion.» Dans les lieux considérés comme touristiques, essentiellement des stations de montagne, les commerces peuvent aujourd’hui ouvrir jusqu’à 21h tous les jours, samedi, dimanche et jours fériés compris. On conçoit que cela aiguise certains appétits.
Aucune contrepartie prévue
En concoctant son avant-projet de révision de la LOM, le Département de l’économie a invité les partenaires sociaux, dont Unia, à participer à un groupe de travail. Mais il n’a guère été tenu compte de l’opposition syndicale. Comme il a été dit, aucune contrepartie n’a été prévue pour le personnel. La nouvelle LOM semble taillée sur mesure pour les grandes surfaces et la Chambre du tourisme. Et comme dans les autres cantons où l’extension des horaires revient régulièrement sur la table, la lutte contre la concurrence du commerce électronique est un alibi et un leurre. «En 2002, lors de l’entrée en vigueur de la LOM, un accord social avait été passé entre les partenaires sociaux et inclus dans le Contrat-type de la vente valaisan qui accordait des compensations aux salariés lors des nocturnes et du travail du dimanche, comme un supplément de 25% en temps ou en argent ou le droit à un repas correct. Cet accord a été oublié, aucune protection des employés n’est prévue dans la révision, il n’est jamais question du personnel alors que les problématiques des horaires et des conditions de travail sont liées. Même si nous sommes contre toute extension, nous estimons que cet accord de compensation doit être intégré à la nouvelle loi et nous voulons que la Loi sur le travail et la Loi cantonale sur le repos du dimanche soient respectées», explique Francine Zufferey.
Droit vers le référendum
Surtout que, comme le rappelle la secrétaire syndicale, la profession de vendeuse n’est déjà pas une sinécure. «Il s’agit d’un travail qui demande énormément de connaissances des produits, des langues ou de l’informatique, un travail pénible avec des horaires à forte amplitude et où il faut porter de lourdes charges. C’est un travail qui est mal rémunéré, il n’est pas normal qu’il soit moins bien payé que des métiers dans la construction ou l’artisanat. En plus de revalorisations salariales, il est important que nous obtenions des aménagements du temps de travail.» Des discussions en vue de la conclusion d’une convention collective avaient débuté, mais elles ont été interrompues par le Covid.
«Cette révision est une diablerie incarnée. Des vendeuses et des vendeurs nous ont téléphoné horrifiés. Il faut vraiment stopper ces extensions.» La révision est mise en consultation jusqu’à fin janvier, ensuite un projet sera transmis au Grand Conseil. «Si le Parlement ne modifie pas ce projet de loi, nous irons droit au référendum. C’est aussi un combat qui doit être mené par les petits commerçants. Et qui concerne toute la société.» Et Francine Zufferey de conclure en posant la question de fond: «Quelle société et quelle vie voulons-nous?»