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Chantier participatif pour un projet durable

Fabrication de briques
© Olivier Vogelsang

Les volontaires fabriquent en moyenne 40 briques chacun par jour.

Une septantaine de personnes ont mis la main à la terre, œuvrant à la création de briques en terre crue qui serviront à ériger un mur dans une maison de quartier en construction à Lausanne. Un projet écologique et participatif. Reportage.

Eco-quartier des Plaines-du-Loup, Lausanne. En cette matinée de mi-juillet, dans une halle ouverte les protégeant d’un soleil généreux, une douzaine de personnes fabriquent des briques. Accroupies sur le sol, elles travaillent le plus souvent en duo, enveloppées malgré l’ombre d’une chaleur moite renforcée par l’effort. Les gestes se révèlent simples, répétitifs, et le résultat concluant, à voir les lignées d’adobes qui déjà strient le sol. Les maçonnes et les maçons d’un jour étalent le mélange de terre, de paille et d’eau préparé au préalable dans des moules, veillant à bien remplir les coins. A l’aide d’une latte, ils égalisent ensuite l’argile, enlèvent le surplus ou procèdent à d’éventuels comblements, puis ôtent délicatement la forme. Ne reste alors plus qu’à laisser sécher la brique trois semaines environ. Ces dernières serviront à ériger un mur intérieur d’une hauteur de six mètres, dans la maison de quartier écologique en construction.

Fatigant mais valorisant

«C’est le quatrième jour que je viens», affirme Corinne, 73 ans, habitant depuis 44 ans dans la zone. Engagée de longue date dans une maison de quartier, elle estime sa participation aujourd’hui naturelle. «Et puis, j’avais envie d’apprendre comment on produisait des briques en terre crue, découvrir un aspect du monde de la construction. Je suis devenue une experte», rigole la fringante septuagénaire, gants de protection et jeans usé de circonstance, qui travaillait dans le domaine du social et du paramédical. «Si j’ai du plaisir à la tâche? Dans ce cadre, oui, j’aime les métiers manuels. Je ne ferais toutefois pas ça tous les jours. A quatre pattes, c’est quand même fatigant. Mais je ressens de la satisfaction à la fin de la journée», ajoute l’ouvrière, qui a gardé sa souplesse. «Grâce au yoga, mais pas seulement. Je me réjouis d’ailleurs des cours qui seront organisés dans la nouvelle maison de quartier.» La structure en question sera composée de quatre cabanes en bois imaginées par le bureau d’architectes JBA. En invitant les habitants à participer concrètement à la réalisation de ce projet écologique, les responsables ont voulu favoriser leur identification au lieu. Même si, au final, l’idée réunira davantage d’architectes que de résidents du quartier. 

Terre crue du site, chaux-chanvre et bois

«L’objectif visé? La production de 2400 briques en six jours. Les personnes en fabriquent en moyenne 40 par jour», chiffrent les responsables de JBA, Christophe Joud et Lorraine Beaudoin, qui profiteront aussi de la journée pour présenter, à la pause-café, le concept de la future maison de quartier. «Nous avons prévu quatre volumes détachés qui abriteront une salle de spectacle, une petite cuisine, une cafétéria, etc., avec des espaces de rencontre. Ce sera une maison très ouverte, avec des jeux de hauteur, lui donnant un caractère ludique», explique Lorraine Beaudoin devant un public attentif. La construction se base sur une ossature en bois remplie de chanvre banché pour l’enveloppe extérieure et en terre crue, ou pisé, pour les murs intérieurs. «Il nous a fallu trouver des artisans capables d’exécuter ces travaux. La filière terre n’existe malheureusement pas dans la formation. Et le matériau utilisé est plus capricieux que le béton», souligne Christophe Joud. Les travailleuses et les travailleurs du jour en apprennent aussi davantage sur les adobes et les différentes techniques de construction en terre avec Elsa Cauderay, membre d’un collectif d’architecture participative et écologique, chargée d’encadrer le chantier de volontaires.

Un matériau génial

«La terre est un matériau génial, que ce soit pour les finitions ou le gros œuvre. Les adobes datent de plus de 10000 ans, mais sont peu connues sous nos latitudes. Il nous faut redécouvrir leur usage et les adapter aux contraintes d’aujourd’hui. Réalisables sans outillage complexe – l’échelle la plus basse de mécanisation –, ces briques peuvent être utilisées pour fabriquer des murs porteurs jusqu’à 10 étages.» La passionnée affirme que plus de la moitié de la population mondiale vit dans un habitat en terre crue. Celle utilisée pour la construction de la maison de quartier est directement excavée sur le site. Autant dire que l’impact environnemental du futur centre, qui sera équipé de panneaux photovoltaïques, se révèle très bas. Ce modèle du genre aux standards énergétiques et écologiques élevés devrait être terminé à la fin de l’année prochaine... 

 

«Un bon moyen de se vider la tête»

«C’est une occasion de mettre les mains dans la terre, de tester soi-même le procédé. Une démarche collaborative très intéressante.» Ingénieure spécialisée dans les questions de durabilité, Verena Pierret n’a pas hésité à se glisser dans la peau d’une ouvrière du bâtiment. «J’aime l’effort. On devrait disposer de davantage de possibilités d’équilibrer le mental et le physique», ajoute la native d’Allemagne de 39 ans, tout en nettoyant le moule en vue d’un prochain usage, avant de nuancer ses propos. «Le temps, ici, passe quand même moins vite qu’au bureau. Reste que ce travail se révèle moins stressant et permet de se vider la tête.» La trentenaire précise encore se trouver en adéquation avec le concept écologique de la maison de quartier. «Il correspond à mes convictions. Nous devons prendre davantage en considération l’impact des constructions sur l’environnement, limiter les gaz à effet de serre. Je suis persuadée que ce type de marché tenant compte de ces paramètres va se développer.» Mais de là à envisager la fin du béton, il y a un monde de ciment solide... «Ce n’est pas le but. Chaque matériau a sa place. Mais il faut réfléchir dans quelle quantité et à la manière dont on bâtit, à la durée de vie d’une construction», insiste la bénévole, qui sera néanmoins rémunérée par son bureau. «Je participe à ce projet sur mes journées de formation. Dans tous les cas, travailler gratuitement plus d’un jour ne serait pas normal...»


«Le béton, la victime parfaite, mais...»

Alexandre Berset s’est lui aussi laissé tenter par l’expérience. «C’est une opportunité de travailler la terre, une rare occasion de découvrir une méthode oubliée.» L’aspect participatif du projet séduit également l’homme convaincu que la démarche contribuera à «faire vivre l’esprit du lieu». Sur l’avenir du béton, le maçon d’un jour s’oppose «à tout dogme». «Il faut l’utiliser là où il se révèle performant. Opter aussi pour des solutions hybrides. L’excavation de terre sur le lieu même de la construction présente un bon bilan carbone, mais le système se révèle quatre fois plus coûteux.» Travaillant en binôme avec Alexandre, Nicolas de Courten intervient à son tour: «Il faut comparer ce qui est comparable. Le béton sert de victime parfaite. Mais si on opte par exemple pour le bois, on va déforester la planète entière. Il faut choisir le matériau le plus adéquat à l’endroit.» Son collègue rappelle également le prix élevé de la main-d’œuvre employée à des démarches différentes comme celles poursuivies à la maison de quartier. Sans oublier le manque de compétences en la matière. Mais il concède: «Les entreprises en maçonnerie doivent se diversifier.» Dans tous les cas, renchérit Nicolas de Courten, «il est nécessaire que ces types de projets soient testés. Celui des Plaines-du-Loup offre une bonne opportunité. C’est le système le plus vertueux en termes d’émissions grises.» 

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