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Comment façonner le droit du travail à l’ère de la numérisation?

Lors de la journée de formation organisée par Movendo sur le thème du centenaire de l’OIT, un atelier animé par l’avocate Anne Meier a posé les enjeux du travail et du partenariat social 4.0

Les nouvelles technologies génèrent de nouvelles formes d’emplois, avec pour conséquence une remise en question totale du monde du travail et des rapports de force. Le défi de la transformation numérique et celui de l’accompagner par un solide volet social sont de taille. Le 25 juin, à l’occasion de la journée d’étude de Movendo à Berne, L’Evénement syndical a participé à un atelier sur ces questions.

Anne Meier, avocate et coauteure d’une étude sur le rôle du partenariat social dans le cadre de la digitalisation, a commencé par contextualiser le sujet: «La digitalisation est difficile à identifier et à quantifier. Ce que l’on sait, c’est que les entreprises s’en emparent très vite et qu’elle vient complètement transformer les processus d’organisation syndicale.» Par exemple, ces livreurs à vélo genevois qui se sont organisés via des groupes de discussions WhatsApp, sans syndicat, et qui débattent de leurs conditions de travail et de leurs revendications. «La robotisation des tâches simples et répétitives engendre, pour sa part, la disparition de certains métiers, et pose la question du traitement des robots et de leur taxation ou non.» Anne Meier illustre son propos par les entrepôts Amazon aux Etats-Unis, automatisés quasiment à 100% dans la préparation des commandes.

Changement de paradigmes

Uber, apparu il y a une dizaine d’années, est l’exemple même de la digitalisation. L’«uberisation» de la société ne s’est pas fait attendre longtemps. Des dizaines de plateformes de ce type ont fleuri en Suisse, proposant les services de femmes/hommes de ménage, de retraités à tout faire ou encore de livraison de repas. «La grande question juridique du moment est de savoir si le travail digital est salarié, indépendant ou à inscrire dans une catégorie intermédiaire qui n’existe pas encore en Suisse?» Aujourd’hui, seuls ces deux premiers statuts sont reconnus. Uber et consorts, sans surprise, n’en démordent pas: leurs chauffeurs et autres sont des indépendants.

La réflexion de créer un nouveau statut d’autoentrepreneur, présent par ailleurs en France, à intégrer dans une convention collective de travail (CCT) serait une solution. Mais pour ce faire, il faudrait que ces travailleurs se mettent d’accord sur un salaire conventionnel, et cela entraverait la sacro-sainte liberté économique et de concurrence…

Si, en France, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne ou encore en Suisse, les chauffeurs Uber luttent pour obtenir le statut de salariés, ailleurs, c’est hors de question. «Je me suis rendue au Ghana, explique l’avocate, et Uber marche très fort! Ils sont ravis et n’ont aucune envie d’être salariés. Ils sont leur propre patron, ont des voitures haut de gamme et travaillent quand ils veulent. Les populations raisonnent différemment selon le contexte économique dans lequel elles vivent.»

Si ces revenus d’appoint peuvent être vus comme une occasion pour certains, les effets sont néfastes pour le reste de la société: d’abord pour les chauffeurs eux-mêmes, mal payés et dénués de toute couverture sociale, et pour les travailleurs professionnels du transport, qui subissent une concurrence déloyale. «Quant à la négociation collective, si les modèles type Uber ou Amazon tendent à se multiplier, cela va questionner l’essence même de la représentativité, du partenariat social et du rôle des syndicats.»

Défis de taille

Les mutations du monde du travail représentent des enjeux importants pour les syndicats. L’objectif reste le même, à savoir maintenir et renforcer les droits et la protection des salariés, mais pourrait être mis à mal face à la digitalisation et à l’explosion du télétravail, les employés n’étant plus présents physiquement sur un même lieu de travail. Selon Anne Meier, le défi sera donc de continuer à rassembler et à organiser les travailleurs: «Il ne faudra pas rester à la traîne en tant que syndicats, mais s’emparer également de ces nouvelles technologies pour mobiliser.»

L’action doit être aussi d’ordre politique. «Les Etats doivent s’immiscer dans ces discussions et s’accorder sur des réglementations à l’échelle européenne», conclut l’avocate.

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