Faut-il ou non soutenir financièrement les paysans qui renoncent à écorner leurs vaches et leurs chèvres? Voilà la question à laquelle devra répondre le peuple suisse le 25 novembre prochain, appelé à se prononcer sur l’initiative pour la dignité des animaux de rente. Ce texte demande que les éleveurs maintenant l’intégrité physique de leurs bovidés bénéficient d’indemnités prélevées sur les subventions fédérales allouées à l’agriculture. Pas d’interdiction donc mais une aide aux intéressés. La proposition émane d’un paysan de haute montagne grison installé dans le Jura bernois, Armin Capaul. En clair, d’une personne qui connaît son sujet. Et surtout qui aime ses bêtes. A tel point qu’il a investi ses économies pour mener à bien son projet. Les raisons de son combat? Elles relèvent directement de la souffrance animale. L’ablation des cornes des veaux et des cabris, brûlées à l’aide d’une sorte de chalumeau, n’a en effet rien d’anodin. Non seulement la douleur perdure longtemps après l’opération, mais celle-ci prive la victime d’un organe bien vivant, fortement vascularisé et innervé, jouant un rôle essentiel dans sa santé et son bien-être. Un organe qui favorise la communication et la reconnaissance avec ses pairs. Qui participe à la digestion et à la régulation de la température corporelle. En dépit de ces importantes fonctions, l’écornage reste pourtant largement majoritaire. Les partisans qui contrarient ainsi la nature se justifient par les risques de blessures pour les humains – avaient-ils, autrefois, le cuir plus dur? –et entre bovidés, lors de stabulations libres. Louable, certes. Mais ce dernier danger peut être aisément contourné: une étable suffisamment grande pour le troupeau, obstacle au stress, de bonnes relations avec le bétail, et l’équilibre s’installe... L’argument brandi par les opposants masque en fait une réalité bien plus prosaïque. Une réalité purement économique. Les bêtes mutilées prennent moins de place dans les étables. Exigent moins d’attention. Introduit avec l’industrialisation de l’agriculture, le procédé ne vise qu’un seul but: augmenter la rentabilité. Dans ce sens, la votation nous questionne aussi sur le type de production que nous souhaitons promouvoir. Intensive ou non? Par ailleurs, si certains jugent la question anecdotique, voire risible, elle témoigne – outre de la vitalité de notre démocratie – de l’importance croissante des thématiques agricoles dans la société. Avec des citoyens qui s’intéressent de plus en plus au contenu de leur assiette. A la manière dont sont traités les animaux. Une prise de conscience dépassant la seule optique végétarienne ou végane. Quoi qu’il en soit, si le sort des bovidés est scellé, leur infliger des souffrances inutiles relève d’une cruauté gratuite. Le 25 novembre, il sera donc possible d’encourager les paysans respectueux de leurs animaux. Tout en laissant la liberté de choix à l’ensemble des travailleurs du domaine.
Voter oui à cette initiative n’écornera en tout cas pas l’image d’une Suisse qui, sur le front publicitaire, fait volontiers son beurre en représentant des vaches heureuses, paissant paisiblement, leurs splendides cornes comme atours supplémentaires...