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Dans mon coeur je suis toujours engagée

Brigitte Zilocchi revient sur son parcours et s'insurge contre les nouveaux durcissements de la loi sur l'asile

«C'est toujours un cadeau quand on rencontre quelqu'un.» Une phrase qui résume l'amour des gens de Brigitte Zilocchi, dont la vie est marquée par l'ouverture d'esprit et l'engagement. Le 1er février 2003, il y a donc 10 ans, la diacre réformée fondait avec le prêtre Jean-Pierre Barbey, l'espace multiculturel Point d'Appui à Lausanne.
Brigitte Zilocchi, à la retraite depuis deux ans, gère encore le site internet du centre. Un lieu d'échanges qui offre des cours de français et d'informatique, et un soutien aux migrants en difficulté. Et parfois en détresse. Deux situations extrêmement difficiles lui reviennent: l'accompagnement d'une famille de Roms dont la fille avait été assassinée, ainsi que celle de la famille d'un jeune Kosovar tué dans l'incendie de l'appartement familial. «Il venait chaque semaine nous voir. A sa mort, ses frères et sœurs m'avaient demandé de l'annoncer à leur mère...»
Heureusement, face aux récits de vie bouleversants, Brigitte Zilocchi a toujours trouvé des exutoires. «Le soir, je pouvais partager avec mon mari. Et, par chance, mon cerveau a un système de tiroirs. Donc j'arrive à les fermer et ainsi à ne pas trop charger mes épaules.» Et puis, ce sont surtout les bons souvenirs qui affluent, ceux de rencontres merveilleuses et de luttes victorieuses, telles celles menées dans le canton de Vaud avec de nombreuses associations contre le renvoi des «523» requérants déboutés de l'asile, ou des «175» Ethiopiens. Des églises avaient même, à l'époque, servi de refuge pour éviter les expulsions. «Ce mouvement était extraordinaire! Et la grande majorité a pu rester en Suisse», souligne Brigitte Zilocchi qui s'insurge, à l'instar des Eglises chrétiennes, contre les nouveaux durcissements de la loi sur l'asile sur lesquels le peuple est appelé à se prononcer le 9 juin prochain. «Interdire la possibilité de déposer une demande d'asile dans les ambassades est terrible! Plus largement, tous ces préjugés et ces peurs infondés vis-à-vis des demandeurs d'asile m'énervent profondément. Je ne milite plus, mais dans mon cœur je suis toujours engagée...»

Migrante elle aussi
La migration, Brigitte Zilocchi la porte en elle. Allemande, c'est au cours d'un de ses séjours à Lausanne pour parfaire son français, qu'elle rencontre son futur mari. En 1968, à 21 ans, elle quitte Essen et s'installe dans la capitale vaudoise. «C'était difficile à l'époque d'être allemande. La guerre n'était pas loin... J'avais mauvaise conscience.» Etudiante en français et en anglais en Allemagne, c'est en Suisse qu'elle suivra une formation de diacre, «le volet social de l'Eglise» explique-t-elle en deux mots. Une évidence qui prend source dans sa jeunesse. «A Essen, à cette époque, tout se passait dans l'Eglise: du ping-pong aux cultes. Pour les jeunes, il y avait peu de loisirs en dehors d'elle.»
Ce métier lui permet finalement d'en exercer plusieurs: coordinatrice d'aumônerie pour personnes âgées en EMS, animatrice pour Terre Nouvelle, ou encore médiatrice Eglises-Réfugiés. «A un moment, j'avais 4 postes à 25%», rit Brigitte Zilocchi, qui avoue avoir toujours un peu trop travaillé. A Point d'Appui, elle ne comptera pas ses heures. «Je ne voulais pas d'ordinateur dans mon bureau afin d'être complètement concentrée sur la personne que je recevais. Les emails et le travail administratif, je le faisais à la maison le soir.»

Une retraite et des rêves
Sa préretraite a donc sonné comme une petite révolution. «Pendant la première année, j'étais un peu perdue. Mais petit à petit, je me suis recréée une identité.» Aujourd'hui, elle a repris des cours de flûte à bec au Conservatoire, et se passionne pour la photographie. Entre autres, car Brigitte Zilocchi parle football aussi. «Je suis très contente de voir Borussia et Bayern en finale de la Ligue des champions. Mais j'aime tout autant voir l'équipe de football suisse ou Federer gagner», ajoute-t-elle avec le sourire. Malgré ses deux tiers de vie en Suisse, elle se sent toutefois toujours un peu étrangère et on la surprend encore à dire «je rentre» quand elle parle de sa région natale, alors même qu'elle n'y a plus de famille. Ou plutôt si, une nouvelle famille, car elle a été adoptée par une communauté germano-russe. Encore une histoire de migration pour celle qui rêve de créer un lieu interculturel différent, «dans une église désaffectée» par exemple, où Suisses et migrants pourraient échanger, fêter et apprendre à vivre ensemble. Un rêve finalement pas si loin de la description que l'on peut lire sur le site de Point d'Appui: «C'est ainsi que le visiteur qui franchit la porte du Point d'Appui peut avoir le sentiment de se retrouver sur une des grandes places d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Asie ou d'Europe. Un monde parfois coloré et foisonnant, buvant du café et discutant dans des langues inconnues des oreilles européennes.»


Aline Andrey