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De l’importance avérée des syndicats

Congrès de l'USS 2022.
© USS/Monique Wittwer

Photo tirée du dossier: congrès de l'USS 2022.

L’Union syndicale suisse a réalisé une étude sur l’influence des syndicats et des conventions collectives de travail sur les salaires, les conditions d’emploi et la productivité. Entretien avec Daniel Lampart, premier secrétaire et économiste en chef

Quelle influence exercent les syndicats sur les salaires et l’emploi? Quel est leur impact et celui des conventions collectives de travail (CCT) sur la productivité, l’innovation dans les entreprises ou encore le chômage? Des questions auxquelles répond l’Union syndicale suisse (USS) après avoir récemment procédé à une méta-analyse sur le sujet. Auteur de la recherche avec Joël Bühler, collaborateur scientifique, Daniel Lampart, premier secrétaire de l’USS, présente la démarche et ses principales conclusions.


Pour quelles raisons avez-vous mené cette recherche et de quelle manière?

Les syndicats et les CCT ne sont pas assez connus de la population et du monde économique. De nombreuses recherches ont pourtant été menées sur le sujet au cours de ces trente dernières années, qui ont montré l’intérêt de disposer d’organisations de travailleurs et de signer des conventions. Nous avons compilé toute la littérature importante traitant de ces questions – plus d’une centaine d’études – et avons partagé ces conclusions afin de favoriser une meilleure connaissance de la thématique.

Quelles sont les principales conclusions de votre analyse?

En premier lieu, nous pouvons affirmer que les syndicats et les CCT ont une influence positive sur les rémunérations. Ce n’est pas une surprise pour nous, mais cette analyse l’a clairement confirmé. L’existence de CCT réduit les écarts de salaires, les discriminations salariales entre les femmes et les hommes et le dumping. Cette situation positive s’explique par l’obligation de respecter des règles collectives fixant des salaires minimums contraignants. Les négociations collectives profitent à tous les collaborateurs d’une entreprise et favorisent une redistribution plus équitable. En leur absence, on se trouve dans une logique individuelle où seules des poignées d’employés, le plus souvent des hommes, bénéficient de meilleurs salaires.

Et sur le front de la productivité et de l’innovation, les CCT ont-elles un impact?

Sur ces points, c’est moins évident que pour les salaires, mais ce n’est pas non plus le but poursuivi par ces accords. Nous avons néanmoins constaté des effets positifs en matière de productivité, en particulier grâce aux formations par secteurs qui sont alors souvent proposées et financées via des fonds paritaires, comme, par exemple, dans l’hôtellerie-restauration. Ces formations permettent de valoriser des compétences et des expériences, sans que les candidats doivent passer des années sur les bancs d’école, et présentent l’avantage d’être ancrées dans la réalité du terrain. Pour gagner en productivité, les employeurs sont aussi obligés d’investir et d’offrir de bons salaires. Un collaborateur heureux, bénéficiant d’une rémunération équitable et de possibilités de se former, est également plus rentable. Dans le domaine de l’innovation, quelques études montrent aussi un impact favorable.

Pourquoi les entreprises devraient conclure des CCT? En tirent-elles vraiment des avantages?

Pour les raisons mentionnées en matière de formation, mais également parce que, dans les situations de crise, elles agissent comme régulateur. L’absence de CCT expose par ailleurs les employeurs à des mesures de lutte des salariés, comme des grèves. Un autre argument majeur plaide en faveur des conventions déclarées de force obligatoire: elles servent de garde-fous contre la concurrence déloyale et le dumping, notamment dans le contexte de la libre circulation des personnes. Nous disposons d’un bon exemple avec le secteur de l’artisanat qui attire beaucoup d’entreprises étrangères et de travailleurs détachés.

Les syndicats et les conventions ne risquent-ils pas d’accroître le chômage?

Contrairement à nombre de préjugés, les CCT et les syndicats n’ont pratiquement aucune influence sur l’emploi et le taux de chômage. Ce reproche souvent avancé par les Libéraux n’est pas pertinent. Une partie des entreprises occupent par ailleurs des positions dominantes sur le marché du travail, comme les CFF. Certaines sociétés profitent de cette situation. Aussi est-il nécessaire de conclure des conventions pour éviter des risques de bas salaires. Un collaborateur mieux payé va par ailleurs être plus volontiers fidèle à son employeur.

Le développement de l’économie de plateformes ne menace-t-il pas l’existence des syndicats? Comment organiser des employés sans lieux de travail?

Nous verrons l’évolution de ce type d’économie. Les syndicats exercent déjà un contrôle sur le travail précaire. Les employés qui occupent des postes peu attractifs ne vont pas rester. Surtout en cette période de pénurie de main-d’œuvre qui facilite les recherches d’emploi. En renforçant en outre le travail syndical classique, nous contribuons à affaiblir ces jobs instables.

En comparaison internationale, la Suisse est-elle bien placée en termes de CCT?

Dans nos frontières, un peu moins de 50% des travailleurs sont couverts par une CCT. Ces accords sont souvent de très bonne qualité. Mais il n’y en a pas suffisamment par rapport à d’autres pays comme ceux nordiques où environ 90% de la classe active bénéficie de conventions. Nous nous heurtons aussi à un autre problème: les importantes restrictions pour rendre une CCT de force obligatoire. La réglementation helvétique implique que la moitié au moins des entreprises concernées ait signé l’accord. Ce quorum est unique en Europe et doit évoluer.

Autant dire qu’il nous reste beaucoup de pain sur la planche. Mais, comme l’atteste cette analyse, notre travail est très important. Sans syndicats, la situation en Suisse serait catastrophique...

Pour plus d’informations: dossier N°153 de l’USS, «De l’importance des syndicats», décembre 2022.

Disponible sur uss.ch

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