De passage en Suisse, deux syndicalistes sont venues témoigner des difficiles conditions de travail des femmes marocaines œuvrant à la cueillette des fruits dans la région de Huelva en Andalousie. Invitées par le Solifonds et le Cetim, elles ont porté la voix de ces saisonnières, exploitées et opprimées
Chaque année, plus de 15000 travailleuses marocaines franchissent le détroit de Gibraltar pour participer durant plusieurs mois à la récolte des fraises dans le sud de l’Espagne. Mercredi dernier, à l’invitation du Centre Europe - tiers monde (Cetim) et du Solifonds, deux syndicalistes marocaines ont témoigné à Genève des conditions difficiles que subissent ces ouvrières agricoles pour cueillir ces fruits que l’on retrouve dans les rayons de nos supermarchés.
«Cette importation de main-d’œuvre est basée sur des critères que l’on peut qualifier de traite humaine dans la mesure où l’Etat espagnol exige des cueilleuses d’être mère d’un enfant au moins. L’idée est de lutter contre l’immigration irrégulière puisqu’on est sûr que ces jeunes mamans retourneront auprès de leurs enfants une fois la mission accomplie», a expliqué Zaina Issayh de la Fédération nationale du secteur agricole marocain (FNSA). Ces travailleuses viennent de zones rurales, elles ne savent souvent ni lire ni écrire et constituent une main-d’œuvre bon marché et soumise. La journée de travail, qui devrait être de six heures, est régulièrement dépassée et atteint parfois le double. Les logements sont généralement insalubres. Et il faut courber l’échine. «Elles n’ont pas le droit de parler ni d’adhérer à un syndicat. Si l’une d’entre elles dénonce l’exploitation ou des violences sexuelles, elle est renvoyée au Maroc.» Ces femmes préfèrent encore endurer cette situation que de travailler dans leur pays d’origine, où le salaire agricole journalier est de l’ordre de 8,5 euros, alors qu’il se monte à 55 euros du côté espagnol.
Soumia Benelfatmi Elgarrab a travaillé durant quatorze ans à la cueillette des fraises dans la région de Huelva. «L’émigration n’est pas un choix volontaire, c’est une nécessité économique. J’ai deux filles, mon mari ne travaillait pas et je n’avais pas de quoi leur acheter des livres pour l’école. La plus grande souffrance pour une mère est de devoir quitter ses enfants. Mais j’ai fait cela pour que, plus tard, mes filles ne revivent pas la même situation.»
Soumia Benelfatmi Elgarrab a rencontré beaucoup de difficultés dans ce travail et subi des mauvais traitements, mais, aujourd’hui employée du syndicat andalou SOC-SAT, elle peut s’appuyer sur son expérience. Le SOC-SAT travaille en collaboration avec la FNSA. «Nous distribuons un tract en arabe dans lequel nous donnons des informations sur la convention collective, le salaire minimum, les droits en cas d’accident et de maladie.» Une aide du Solifonds, le fonds suisse de solidarité pour les luttes sociales, a permis au syndicat d’ouvrir un local pour recevoir les cueilleuses. «Il est difficile de parler aux travailleuses dans les champs, elles risquent d’être punies et de n’être pas réengagées l’année suivante», indique la secrétaire syndicale, qui ajoute: «En tant que syndicaliste, j’ai vu des choses pires que ce que j’ai connu comme travailleuse. Des femmes logent dans des endroits qui seraient juste bons pour des animaux.»
Mais que fait le gouvernement de gauche, emmené par Pedro Sanchez, et la ministre du Travail, la communiste Yolanda Diaz Pérez? «Des choses ont changé grâce à la pression des syndicats. Nous avons, par exemple, rencontré des travailleuses qui devaient être renvoyées après trois jours passés en Espagne seulement, elles étaient accusées de ne pas travailler assez vite, nous avons pu les changer d’employeur, ce qui n’était pas possible avant. Auparavant, les inspecteurs du travail ne faisaient pas leur job, nous pouvons désormais nous tourner vers eux. Et nous avons rencontré une délégation gouvernementale qui nous a assurés que nous pourrions nous adresser à elle en cas de difficultés.» Zaina Issayh se montre critique: «Comment un gouvernement progressiste accepte-t-il que ces travailleuses ne bénéficient d’aucun jour de repos, pas même d’un jour férié le 1er mai?» questionne-t-elle.
Le problème est mondial, souligne Philippe Sauvin de L’Autre syndicat, organisation romande spécialisée dans la défense des ouvriers agricoles et des travailleurs sans papiers. «Il y a un consensus politique mondial pour que les produits agricoles soient à un bas prix. Ce sont 500 millions de travailleurs à travers le monde qui en paient la facture», déplore cet ancien paysan. Conclusion de Zaina Issayh: «Nous devons globaliser la lutte et élargir la solidarité.»
Fraises en hiver imprégnées de produits
De décembre à mars, la production de fraises requiert l’utilisation de produits chimiques puissants provoquant des allergies et des problèmes respiratoires aux travailleurs, prévient Soumia Benelfatmi Elgarrab. «Les yeux et le nez coulent, l’odeur est forte et ne disparaît pas après avoir lavé ses vêtements. Ces fraises, je ne les mangerais pas.»
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