Donner enfin la voix à 40% des résidents genevois
Une initiative, soutenue par Unia, demande le droit de vote et d’éligibilité pour les étrangers à Genève après huit ans de résidence. Une manière de répondre au besoin urgent de démocratie
A Genève, sur le plan cantonal, seules les personnes de nationalité suisse domiciliées sur place ont les pleins droits politiques, à savoir le droit de voter et d’être élues. Les étrangers installés depuis huit ans au moins à Genève ont uniquement accès au droit de vote sur le plan communal.
Une règle mettant à l’écart 40% de la population de ce canton multiculturel, qui vit, travaille et paie ses impôts à Genève mais n’a pas son mot à dire sur des grands sujets tels que la santé, les transports, le logement, la formation, l’environnement ou encore la fiscalité.
Afin de mettre un terme à cette hérésie, un large front constitué des partis de gauche, des Verts, des syndicats – dont Unia – et d’associations représentant les migrants a lancé le 31 mars une initiative populaire. Cette dernière vise à modifier la Constitution cantonale en vue d’accorder l’ensemble des droits politiques cantonaux aux étrangers justifiant au moins huit ans de résidence à Genève. Baptisée «Une vie ici, une voix ici… Renforçons notre démocratie!», l’initiative devra recueillir environ 10000 signatures avant début août. L’idée n’est pas nouvelle. Un projet de loi identique avait été soumis il y a un an au Grand Conseil, qui l’a refusé à une voix près seulement.
Genève pionnière?
«Cette démocratie en petit comité n’est plus possible, souligne Pierre Vanek, député d’Ensemble à Gauche. Cette situation entraîne la division des salariés et de la population en fonction de la couleur de leur passeport. Il faut que les choses changent, et notre initiative renforcera la démocratie à Genève et apportera davantage d’intégration. Nous passerions de la lanterne rouge à pionner en la matière.» En effet, actuellement, seuls les cantons de Vaud, Fribourg, Jura et Neuchâtel autorisent les étrangers à voter et à être élus lors de scrutins communaux, les deux derniers octroyant le droit de vote au niveau cantonal mais pas l’éligibilité.
A Genève, le seul recours actuel pour obtenir les pleins droits politiques est la naturalisation. «Les lois d’obtention de la nationalité suisse ont été durcies en 2018, reprend l’élu. Désormais, il faut un permis C pour y accéder, le niveau de langue est plus soutenu et la demande est rejetée dès lors que le candidat a eu recours à l’aide sociale les trois dernières années...»
Juste retour des choses
Unia soutient cette initiative avec conviction. «Elargir les droits politiques a toujours été le fruit de grosses batailles», rappelle Anna Gabriel Sabaté, secrétaire régionale d’Unia Genève. «Nous avons réussi à le faire pour les femmes, aujourd’hui l’heure est venue pour les étrangers de pouvoir s’exprimer dans les urnes et participer à la vie politique de ce canton.»
Le syndicat est particulièrement confronté à cette question de la représentativité des personnes étrangères. «Nous avons beaucoup de membres étrangers, qui travaillent à Genève et avec qui on essaie de construire des combats politiques, mais ils n’ont ni le droit de signer ni de voter.» Une absurdité et une hypocrisie auxquelles il faut mettre fin. «Les étrangers ont contribué aux améliorations que les syndicats ont obtenues ces dernières décennies, quelque part, ce serait aussi une manière de leur renvoyer l’ascenseur.»
Les étrangers qui soutiennent cette initiative ne pouvant pas (encore) voter en sa faveur, une pétition à leur attention circule pour faire entendre leur voix.