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Du mensonge en politique aux principes de l’herbivore

L’illusion, comme on sait, nous tient souvent lieu de réalité. Y compris, et peut-être surtout, dans les domaines de la vie publique et singulièrement ceux de la politique. Tel est le résultat de la guerre menée par tout populiste contre les faits et les raisonnements que ceux-ci devraient lui suggérer.

On se rappelle les menaces formulées par Boris Johnson, Premier ministre du Royaume-Uni, contre la BBC qui se serait rendue coupable de partialité à son encontre pendant sa dernière campagne électorale. Alors même que cette institution médiatique, selon tous les observateurs dégagés des enjeux dictés par l’ambition personnelle, n’avait fait que son travail. Qu’importe: pour un manœuvrier comme l’excité du Brexit, seules valent les émotions qu’il est capable de répandre dans l’opinion.

C’en est au point que le mensonge n’est plus une ruse aux plus hauts échelons de certains pouvoirs devenus négativement exemplaires en la matière, et qui rayonnent des Etats-Unis au Brésil en passant par la Biélorussie. Le mensonge est une démonstration de force propre à convaincre.

Il sert à convaincre les citoyens matériellement démunis, qui goberaient n’importe quelle promesse d’eldorados soit-elle délirante. Comme il sert à convaincre les citoyens franchement crétins, d’ailleurs, car ils existent pareillement à foison, ceux-ci – la démocratie n’ayant pas miraculeusement élevé les indices du quotient intellectuel moyen caractérisant notre espèce.

Sur ce point, la Convention républicaine récemment organisée dans le cadre des prochaines élections présidentielles américaines aura constitué l’une des réussites les plus spectaculaires répertoriées jusqu’ici dans ce domaine. Je veux dire dans l’exercice qui consiste à répandre les maquillages de la fiction sur les constats et les programmes politiques.

Entre les discours de Trump et de Pence, son vice-président, tout ne fut en effet que surenchère argumentaire à la fois délirante et martelée suivant les tonalités de la vérité, comme si les principes de la téléréalité régissaient aujourd’hui jusqu’aux rhétoriques officielles.

C’est à ce stade de ma déploration, quant à la conscience encore possible des masses citoyennes à l’égard du réel et de la vérité, que je songe (bizarrement, pourra-t-on penser) à notre environnement naturel en péril.

Et c’est à ce stade, aussi, que je lance cette hypothèse: nous serions-nous mis à croire les pouvoirs et les politiciens menteurs dans la mesure où nos relations intellectuelles et sensibles avec cet environnement naturel ont faibli? Jusqu’à nous permettre de le détruire immensément?

A mes yeux, l’ordre des minéraux, l’ordre des éléments fluides, l’ordre des plantes et l’ordre des animaux s’emboîtent et s’articulent entre eux sous le signe d’un décret nécessaire et même vital que nous pourrions nommer celui de la justesse.

Par exemple, aucune espèce d’herbivore ne consomme ses pâturages à l’excès, ni de carnivore ses proies, ni d’insectivore ses mouches ou ses fourmis: ces espèces disparaîtraient instantanément. Elles configurent donc leurs besoins pour que ceux-ci soient satisfaits dans la durée.

Ainsi le vivant global est-il synonyme d’une mise en coexistence incessante de ses acteurs et de ses protagonistes, et pouvons-nous la percevoir comme une démocratie. Comme une démocratie qui ne cultive pas le moindre rêve hors du réel, et ne commet pas la moindre embardée dans la chimère ou la falsification.

Si nous glissions Trump et Pence dans le règne animal, ils n’y survivraient pas une seconde tant leurs comportements impériaux de déviants pervers se retourneraient contre eux, et les transformeraient en proies d’autant plus faciles en face non seulement de leurs prédateurs ou de leurs concurrents possibles, mais en face de leurs propres congénères.

Tenez. Imaginez Trump devenu reine des vaches sauvages mentir à ses consœurs qui l’entourent en leur affirmant qu’elles auront à brouter de l’herbe verte en hiver, ou qu’elles en trouveront dans les déserts…

Ah, je rêve que soudain non seulement les grands menteurs du monde, mais aussi les réjouis par le mensonge qui n’oseront jamais s’adonner à ce vice, mais substituent à celui-ci leur affolante industrie de la crédulité stupide, soient propulsés brutalement dans le règne animal!

Tout nus, les grands menteurs et les crédules! Dans les profondeurs de la forêt justicière où les à-peu-près comportementaux ne pardonnent guère à ceux qui s’y livrent! Ou dans les étendues de la savane, où le vautour qui plane aperçoit d’un œil infaillible tout ce qui rampe de travers ou boite de façon douteuse, et fond dessus pour le déchiqueter de son bec en virgule féroce!

J’en rêve, vous dis-je.