Sans une victoire du Non à la réforme AVS 21 le 25 septembre, le démantèlement de cette assurance sociale est programmé. Même si les premiers sondages ne sont pas favorables, il est encore temps de faire pencher la balance. Unia et l’Union syndicale suisse appellent à une semaine d’actions qui culminera samedi dans tous les cantons. Martine Docourt, responsable du département politique d’Unia, revient sur les enjeux de cette votation
Le 25 septembre aura lieu l’importante votation sur AVS 21. Cette réforme, dite de «stabilisation de l’AVS», prévoit notamment d’augmenter l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, malgré l’opposition massive exprimée par ces dernières non seulement lors de la votation de 2017 sur Prévoyance vieillesse 2020, mais aussi dans la rue, lors de la Grève des femmes de 2019, puis les années suivantes à l’occasion du 8 mars et du 14 juin. L’essentiel des économies prévues, sous couvert d’assurer un financement à long terme de l’AVS, se fera essentiellement sur le dos des femmes, qui perdront une année de rente et une année de vie en bonne santé à la retraite. Au total, 7 milliards de francs sur dix ans seront épargnés grâce à cette mesure, cela alors que l’AVS se porte bien et que d’autres moyens sont possibles pour assurer son financement à long terme.
Autre élément d’AVS 21, l’introduction de la flexibilisation de l’âge de départ à la retraite entre 63 et 70 ans. Dans la brochure d’explications destinée aux citoyens, le Conseil fédéral explique que cette flexibilité «permettra à de nombreuses personnes d’améliorer leur rente AVS en continuant de travailler au-delà de l’âge de référence. Elles pourront ainsi combler d’éventuelles lacunes de cotisation. Cette incitation à travailler plus longtemps sera bénéfique non seulement pour les assurés, mais aussi pour l’économie, qui a un urgent besoin de main-d’œuvre qualifiée.» Une mesure qui poussera les travailleuses et les travailleurs les plus précarisés à poursuivre leur activité, pour autant que leur santé le permette et qu’ils ne soient pas au chômage…
La réforme comprend également une hausse de 0,4% de la TVA pour financer le 1er pilier. Le taux normal passera ainsi de 7,7% à 8,1%. Une augmentation qui renforcera la perte du pouvoir d’achat des salariés et des rentiers.
La campagne de votation sur AVS 21 a débuté. Les premiers sondages ont été publiés, le 10 août pour celui de Tamedia, et le 19 août pour celui de la SSR/gfs. Ils donnent la réforme gagnante à 53% de oui pour le premier et à 64% de oui pour le second. La hausse de la TVA, qui fait l’objet d’un vote séparé, est aussi acceptée par 58% des personnes consultées par Tamedia et par 65% de celles ayant répondu au sondage SSR/gfs.
Les syndicats et l’alliance pour le NON à AVS 21, dont Unia fait partie, pourront-ils renverser la vapeur? Le point avec Martine Docourt, responsable du département politique à Unia.
Nous sommes à un mois de la votation. Les premiers sondages donnent la réforme AVS 21 et la hausse de la TVA gagnantes. Comment analysez-vous ces projections?
Il faut prendre ces chiffres avec une certaine précaution. Un élément positif ressort de ces résultats et montre que notre message passe: l’augmentation de l’âge de la retraite n’est pas acceptée par un nombre très important de femmes. Il reste une grande marge de manœuvre. C’est possible de gagner.
La hausse de l’âge de la retraite des femmes ne touche pas qu’elles. Aligner leur âge de départ sur celui des hommes est la porte ouverte à la hausse à 67 ans pour toutes et tous. Nous devons insister sur ce point, et sur un autre élément qui a peu été évoqué jusque-là: l’augmentation de la TVA. Si cette hausse est acceptée, le pouvoir d’achat sera affecté, alors qu’il risque déjà de fortement diminuer ces prochains mois en raison de la montée des prix de l’énergie, de l’alimentation et des primes maladie. C’est vraiment le pire moment pour augmenter encore la TVA!
Les deux sondages montrent un écart important dans les intentions de vote des femmes et des hommes sur AVS 21. Dans le premier, la réforme était acceptée par seulement 36% des femmes contre 71% des hommes, et dans le second par 52% des femmes contre 74% des hommes. Comment expliquer cette différence?
La situation économique des femmes en Suisse est difficile. Il y a des inégalités importantes: des salaires 20% inférieurs à ceux des hommes, un écart qui peine à diminuer et qui, dans certains cas, a même augmenté; et des rentes d’un tiers plus basses une fois à la retraite.
Beaucoup de femmes exercent dans des métiers parfois très pénibles. Un an de plus pour arriver à la retraite signifie un an de pénibilité supplémentaire, ou un an de chômage ou d’aide sociale en plus pour celles qui n’ont pas d’emploi. Rappelons que le taux de chômage est plus élevé de 67% chez les travailleurs âgés.
On sait aussi que les femmes sont majoritairement présentes dans les métiers à bas revenus et le fait de concilier vie privée et vie professionnelle, en réduisant par exemple leur temps de travail, a comme conséquence qu’AVS 21 les touchera d’autant plus.
N’a-t-on pas trop focalisé sur la hausse de l’âge de la retraite des femmes durant la campagne référendaire et oublié de parler de ce qui concerne aussi les hommes, comme la TVA ou la flexibilisation du départ à la retraite entre 63 et 70 ans et l’incitation à travailler après 65 ans pour les plus précaires?
La réduction de la pension unilatérale des femmes est tout simplement scandaleuse. Il faut le rappeler. Mais il est vrai que le projet aura des conséquences pour toutes et tous. AVS 21 profite aux personnes à haut revenu et pénalise les gens qui ont des petits salaires et qui n’auront que l’AVS pour vivre... La baisse des rentes des femmes touche aussi les couples mariés. Et la hausse de la TVA fera payer tout le monde pour une réforme absolument injuste.
La semaine d’actions d’Unia, du 22 au 27 août, a démarré et devrait culminer dans une journée de mobilisation nationale samedi. Comment s’organise la campagne?
Des comités unitaires existent dans de nombreux cantons. Unia y participe ou organise ses propres actions là où ils sont absents. L’Union syndicale suisse coordonne les différentes activités, en lien également avec les partis de gauche et les collectifs féministes ayant soutenu le référendum. Chez Unia, nous avons aussi fait appel aux militantes et aux militants pour qu’ils deviennent des ambassadeurs contre AVS 21, afin qu’ils puissent, entre autres, répondre aux médias ou s’exprimer sur les réseaux sociaux. Une centaine de nos membres se sont engagés dans ce rôle, ce qui est un nombre important.
Comment la campagne se poursuivra-t-elle? L’alliance contre AVS 21 va-t-elle aussi organiser une manifestation nationale?
La semaine du 22 au 27 août sera un moment fort de la campagne pour Unia, avec des stands ou d’autres événements dans les régions. Notre semaine d’actions vise à marquer, sur une courte période, notre opposition et à expliquer les incidences de cette réforme. Les personnes ne pouvant pas voter sont invitées à participer à ces actions. Après le 27 août, la mobilisation continuera dans les différents cantons jusqu’à la votation.
Sur quoi faut-il insister pour que les citoyennes et les citoyens glissent un Non dans l’urne le 25 septembre?
Cette réforme n’a rien d’une réforme. Elle n’amène aucune amélioration de la situation des retraités en Suisse. Nous avons toute une partie de la population qui risque de tomber dans la précarité en arrivant à la retraite. Les 12,5% des retraitées ont recours aux prestations complémentaires. Cela en complète contradiction avec la Constitution qui prévoit que l’AVS doit garantir le minimum vital.
Cette réforme n’amène aucun progrès non plus pour les rentes, au contraire, elle dégradera notre 1er pilier avec la hausse de l’âge de la retraite des femmes et en ouvrant la porte à une augmentation à 67 ans pour toutes et tous.
En parallèle, se mène la réforme du 2e pilier. Le Parlement a rejeté le compromis des partenaires sociaux. On va clairement vers un démantèlement de notre prévoyance vieillesse qui affectera les bas et les moyens revenus. D’où l’importance de gagner cette votation contre AVS 21.
Le site de la campagne pour les 2x Non sur: avs21-non.ch
Infos - La semaine d’actions contre AVS 21
De nombreuses activités sont menées en peu partout durant cette semaine du 22 au 27 août. Des actions auront lieu dans tous les cantons et culmineront le samedi 27 août, déclarée journée d’action nationale contre AVS 21 par Unia et l’Union syndicale suisse. Des comités unitaires, ainsi que les collectifs féministes, s’organisent aussi pour cette semaine de rentrée politique. Voici un aperçu, non exhaustif, des activités prévues. Les membres souhaitant s’associer à ces événements sont priés de contacter leur secrétariat syndical pour obtenir les détails. Une carte des actions, mise à jour régulièrement, est aussi disponible sur le site du Non à AVS 21*.
Genève
27 août: stands à Plainpalais, Jonction, Lancy Centre, Carouge, Meyrin.
Neuchâtel
24 août: actions de 10h à 13h à La Chaux-de-Fonds, et dès 15h30 à Neuchâtel, à la place Rouge.
25 août: pique-nique canadien de 12h à 14h au Temple du Bas à Neuchâtel.
26 et 27 août, 2, 3 et 10 septembre: distribution de tracts dans les différentes localités du canton.
3 septembre: stand du GI retraités d’Unia, dès 10h dans la zone piétonne de Neuchâtel.
Transjurane
Se renseigner auprès du secrétariat Unia.
Valais
24 août: débat public à 19h à l’Aula de la Tuilerie à Saint-Maurice avec Pierre-Yves Maillard, président de l’USS.
Durant la semaine: stands et tractages à Monthey, Martigny, Sion et Sierre.
27 août: distribution de tracts à Collombey-Muraz, Martigny, Conthey, Sion et Sierre.
Vaud
27 août et 10 septembre: stands à Nyon, Morges, Renens, Lausanne, Vevey et Yverdon.
Action médiatique et assemblées de section d’Unia dès le 6 septembre sur l’AVS (voir en page 4).
Fribourg
27 août: présence à Bulle, Morat, Estavayer, Fribourg et au Lac Noir.
30 août: table ronde à 19h à La Porte d’à côté à Bulle, avec Anne-Claude Demierre du Parti socialiste, Yolande Peisl-Gaillet d’Unia et le collectif féministe du sud fribourgeois.
1erseptembre: débat contradictoire à 20h au café Le Jura à Fribourg avec Pierre-Yves Maillard, président de l’USS; Catherine Friedli, syndicaliste du SSP; Nadine Gobet, directrice de la Fédération patronale et économique de Fribourg; et Marco Taddei, responsable de l’Union patronale suisse.
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