Depuis le début de l’année, l’Arc lémanique est frappé par de terribles annonces pour les travailleurs concernés et leurs familles. Il y a d’abord eu celle de la fermeture de Micarna à Ecublens, mi-février. La pression sur les prix et sur les marges est évoquée pour supprimer une usine occupant 84 personnes. Toutes vont perdre leur emploi dans la région d’ici au printemps 2025. Face au refus de négocier du groupe propriétaire, niant au personnel le droit de se faire représenter par le syndicat de son choix, les salariés ont entamé une grève de plusieurs jours. Elle a été suspendue le 6 mars par la saisie de l’Office de conciliation vaudois. Le combat du personnel est porté aujourd’hui devant cette instance chargée de trouver une issue aux conflits collectifs.
Le lendemain de l’arrêt de la grève à Ecublens, ce sont les travailleurs de l’usine Vetropack, à une douzaine de kilomètres de là, qui apprennent que l’avenir de leur site de production est menacé. Une procédure de consultation est lancée par le groupe en vue d’une possible fermeture dès le mois de juillet de cette année. Là encore, il est question de compétitivité à la peine, de perspectives de développement négatives ou encore de rentabilité plus assurée… Vetropack à Saint-Prex, c’est une histoire de plus d’un siècle. Le berceau d’un groupe qui s’est étendu dans l’Est de l’Europe, mais aussi en Autriche et en Italie. C’est également la seule fabrique de Suisse de verre destiné à la consommation.
Les salariés de Vetropack se battent depuis quelques semaines pour trouver des alternatives à la fermeture de leur usine qui condamnerait 174 postes de travail. Mais ils s’affrontent au mépris de la direction. Cette dernière refuse de leur transmettre les informations nécessaires pour développer leurs idées visant à maintenir leur précieux outil de production. Elle cherche aussi à amadouer et à diviser le personnel avec un prétendu bonus versé si les objectifs de production sont atteints cette année. A l’arrogance se mêle l’hypocrisie. Les employés ne sont pas dupes. Il y a une semaine, ils l’ont dit haut et fort: «Nous ne voulons pas de bonus, nous voulons des emplois!» Ils appellent également le président du conseil d’administration de Vetropack et actionnaire majoritaire, Claude Cornaz, à rejoindre la table de négociation. Car ce qui est en jeu, c’est la survie d’une activité centrale pour toute une région.
Comme l’a annoncé le groupe, 30 millions de francs seraient nécessaires pour remplacer le four de fusion vieillissant. Vetropack prétend rencontrer des problèmes de rendement. Or son bénéfice a bondi de 55,5% en 2023, et ses investissements de 22,3%. La société a aussi dépensé 400 millions dans la construction d’un nouveau site high-tech en Italie, mis en service l’été dernier. La stratégie de l’entreprise semble claire: liquider le savoir-faire séculaire de Saint-Prex et abandonner des collaborateurs travaillant sans compter, jours et nuits, pour augmenter les profits et les dividendes dont se repaissent les actionnaires. Parmi eux, Claude Cornaz, lequel appartient à l’une des 300 familles les plus riches de Suisse.
Cette arrogance a des limites! Dont celle de la dignité des travailleurs et des travailleuses. Ces derniers ont manifesté bruyamment leur colère la semaine passée. Leur lutte bénéficie du soutien de toute une région, regroupée derrière eux pour sauver un fleuron de l’industrie locale. En témoignent les milliers de signatures recueillies sur la pétition contre la fermeture de l’usine et les centaines de commentaires postés sur le site d’Unia. De véritables cris du cœur, exprimant une seule exigence: «Cette verrerie doit rester ouverte!»