Fragilisées par les crises successives, les familles romandes, notamment de la classe moyenne inférieure, ont besoin de davantage d’aides, selon les Centres sociaux protestants
La pandémie, puis la guerre en Ukraine et maintenant l’inflation et la pénurie énergétique qui guettent: ces deux dernières années ont été particulièrement éprouvantes, notamment pour les familles qui ont été sursollicitées dans le contexte des crises.
Lors d’une conférence de presse, l’association CSP.ch – regroupant le Centre social protestant (CSP) de Genève ainsi que ceux de Vaud, Neuchâtel et Berne-Jura – a pointé la «complexité et l’inadéquation des dispositifs existants» d’aide aux familles. «La politique de la famille laisse encore largement à désirer en Suisse», estime CSP.ch. Pourtant, en tant que premier maillon de la solidarité, les familles font l’objet de nombreuses attentes – soutien, soins et prise en charge économique – dont dépendent leur équilibre et l’intérêt des enfants.
«L’accompagnement des familles confrontées à la précarité figure depuis toujours au cœur du travail des CSP», souligne Bastienne Joerchel, présidente de l’association CSP.ch et directrice du CSP Vaud. «Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est qu’elles peuvent être confrontées à une forme de violence administrative: les aides ne sont pas adaptées aux familles contemporaines et à leurs problématiques, encore moins face aux évolutions parfois rapides du contexte socioéconomique.»
Quels sont les facteurs de fragilisation? L’arrivée d’un nouvel enfant, le passage à la majorité ou encore l’entrée en formation des jeunes peuvent constituer autant de phases critiques dans les parcours de vie, en particulier pour les familles appartenant à la classe moyenne inférieure. D’autres facteurs comme une séparation ou l’allongement de la corésidence entre parents et jeunes adultes, comme cela est observé par les sociologues, contribuent également à les fragiliser.
Cadre insuffisant
En l’absence d’une politique familiale globale en Suisse, les familles demeurent tributaires des dispositifs mis en place au gré de chaque canton, constate CSP.ch. «Outre que ces dispositifs varient d’une région à l’autre, les besoins réels se heurtent bien souvent à un système incroyablement complexe et hétéroclite.» Les forfaits d’entretien sont pris en exemple: leur prise en compte dans le calcul des minima vitaux – et donc la couverture des besoins essentiels – diffère d’un régime à l’autre, selon l’administration dont on dépend. A cela s’ajoute que la rigidité du cadre légal empêche l’adaptation rapide et efficace des aides aux besoins qui peuvent émerger en cas de crise, regrette l’association.
«Plus les familles sont soutenues par les politiques publiques, plus elles sont à même de générer des ressources», rappelle Eric Widmer, directeur de l’Observatoire des familles.
Revendications
Afin d’améliorer et de renforcer la politique familiale de manière globale, et compte tenu de leurs observations sur le terrain, les CSP romands ont exprimé leurs recommandations aux autorités de leurs cantons.
D’abord, l’adaptation des subsides d’assurance maladie à l’augmentation annoncée des primes en 2023. L’indexation au plus vite des forfaits d’entretien à l’évolution du coût de la vie. L’introduction de prestations complémentaires destinées aux familles dans les cantons qui n’en disposent pas. Ils exigent par ailleurs que soient revus les critères d’octroi des aides pour les adapter ou les compléter en cas de crise individuelle ou conjoncturelle, sur le modèle proportionnel mis en place dans le canton de Vaud pour les subsides à l’assurance maladie.
Enfin, ils demandent que la classe moyenne inférieure, dont les revenus se situent juste au-dessus des barèmes d’aide publique, soient davantage soutenus en temps de crise par une aide d’urgence.