Fonds de placement durables: un leurre
Greenpeace dénonce l’écoblanchiment des fonds de placement durables, une étude à la clef
Placer son argent dans des fonds durables: l’option séduit de plus en plus de personnes et le marché financier regorge d’offres dans ce sens. Sans que les promesses soient pour autant tenues, bien au contraire, selon les résultats d’une étude commanditée par Greenpeace Suisse sur la thématique. L’ONG a en effet mandaté Inrate, une agence de notation ESG (environnement, social et gouvernance) suisse indépendante, pour qu’elle mène l’enquête. 51 fonds de banques supposés garantir les critères dans les domaines précités et opérant dans nos frontières et au Luxembourg ont été analysés. A la clef, des conclusions sans appel. «Les fonds de placement durables n’investissent actuellement pas plus de capitaux dans une économie durable que les fonds conventionnels», commente Peter Haberstich, chargé de campagne climat et finance à Greenpeace, surpris par l’ampleur du résultat. «La majorité de ces placements ne sont pas meilleurs que ceux effectués par les fonds conventionnels, car leurs concepts de durabilité ne sont pas assez stricts. Cela ne fait par exemple pas une grande différence d'investir chez Danone plutôt que chez Nestlé. Du coup, il n’y a quasi aucune différence entre les deux types d’investissements.» Une situation autorisée par l’absence de critères et d’organes de contrôles en la matière.
Attentes déçues
«Les gestionnaires prennent en compte certains aspects qui touchent à la durabilité, mais ces derniers ne doivent pas avoir nécessairement un impact. Ils se fixent trop peu d’objectifs spécifiques ou mesurables», poursuit le collaborateur de l’ONG, précisant que, pour les banquiers, il s’agit avant tout de minimiser les risques financiers. A savoir: veiller à choisir parmi les industries bénéficiaires de placements celles qui ne perdront pas de la valeur dans la transition vers les énergies renouvelables. «Autant dire que la plupart de ces placements prétendument durables n’ont pas encore d'effet positif significatif pour le climat, concernant les mêmes produits que leurs pendants conventionnels, à l’exception de certains secteurs exclus des portefeuilles comme l’armement ou le béton. Et dans ce cas encore, il n’y a pas pour autant moins de guerres.» Pour Greenpeace, on n’a ni plus ni moins affaire à de l’écoblanchiment. «On propose aux clients des produits de placement dont le nom et la description font penser à une influence positive sur l’environnement et la société, mais qui n’ont que rarement cet effet. Nous considérons que les banques et les gestionnaires de fonds font du greenwashing», commente pour sa part Larissa Marti, experte des questions liées à la finance et au climat de l’ONG. Selon une enquête GFS aussi commanditée par l’organisation, 36% des personnes interrogées attendent pourtant des fonds de placement durables qu’ils aient au moins un effet redistributif; 53% qu’ils soient favorables au climat.
Aux autorités d’agir
«La tromperie sur la marchandise en ce qui concerne les fonds de placement durables nuit au climat et à l’environnement. Cela va à l’encontre de l’objectif de la Suisse de devenir un leader de la finance durable», insiste Peter Haberstich. Dans ce contexte, Greenpeace estime que le Conseil fédéral et le Parlement doivent agir et créer des conditions-cadres. L’ONG exige des normes minimales pour les fonds d’investissement définis comme durables. Concrètement, ceux-ci ne devraient être qualifiés de la sorte seulement s’ils contribuent à maintenir le réchauffement maximal à 1,5 °C. «Jusqu’à présent, le secteur financier a échoué à trouver des solutions efficaces par l’autorégulation. Notre enquête prouve désormais que ça ne fonctionne pas. Notre place financière est notre principal levier pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le monde politique doit intervenir», conclut le chargé de campagne.