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Grève générale bien suivie en Iran

Shiva Khosravi à la tribune du congrès de l'USS.
© Olivier Vogelsang

Shiva Khosravi est venue témoigner de la situation du peuple iranien lors du Congrès de l’Union syndicale suisse le 25 novembre dernier à Interlaken. Elle a également appelé les syndicats suisses à la solidarité avec les travailleurs en grève dans son pays.

Militante de la diaspora, Shiva Khosravi revient sur les trois jours de grève générale et les derniers événements survenus dans son pays, où deux jeunes protestataires ont été exécutés

En début de semaine dernière, une grève générale de trois jours immobilisait l’Iran. Quels en ont été les impacts et comment évolue la situation dans ce pays, en proie à une profonde révolte sociale à la suite de la mort de Jina Mahsa Amini, jeune Kurde iranienne, le 16 septembre. Shiva Khosravi, membre de l’Association de solidarité avec les Iraniens à Genève, qui était intervenue lors du Congrès de l’Union syndicale suisse fin novembre (voir notre édition du 7 décembre), revient sur ces derniers événements.


L’Iran a connu une grève générale de trois jours. Comment a-t-elle été suivie?

J’ai été très étonnée. A Ispahan, ville d’où je viens, où les gens sont très religieux, très traditionalistes, tout était fermé, le bazar, les commerces. Dans tout le pays, les gens ont très bien suivi ces trois jours de grève, autant chez les commerçants que dans les usines. Même le président de la République islamique, Ebrahim Raïssi, a avoué, dans un discours prononcé dans une université, que les grèves ont eu un effet sur l’économie.

En représailles, les comptes bancaires de nombreux commerçants ont été bloqués. Des propriétaires de grands centres commerciaux qui avaient fermé leur magasin ont été arrêtés. Des professeurs qui n’ont pas donné leur cours sont aussi en prison, comme beaucoup d’autres travailleurs ayant suivi la grève. Un ex-footballeur très connu et très populaire, Ali Daei, qui possède des commerces et des restaurants, a soutenu la grève. Le régime lui a interdit d’exercer et a mis ses enseignes sous scellé…

Le troisième jour de la grève coïncidait avec la journée des étudiants. A-t-il donné lieu à des événements particuliers?

Oui, c’était une journée de mobilisation très importante. Mais le lendemain, le jeudi, le régime exécutait un premier jeune protestataire, arrêté au début du mouvement. Il a été accusé d’avoir blessé un Bassidj, un milicien lié aux gardiens de la révolution, lors d’un blocage de rue. Ce qui est une fausse accusation. Il avait été dit à sa famille, qui ne savait pas qu’il était condamné à mort, de ne pas dévoiler son nom aux médias. Cela n’a servi à rien. Les parents de Mohsen Shekari ont été avertis le matin que leur fils de 23 ans avait été exécuté… C’est extrêmement triste. Cette exécution a provoqué un choc immense et a suscité une forte réaction. Après son exécution, les manifestations et les grèves se sont poursuivies jusqu’à samedi dernier, puis un appel à une nouvelle grève nationale, du 18 au 22 décembre, a été lancé.

Ce lundi, le régime a exécuté un autre manifestant innocent, Majid Reza Rahnavard, âgé de 23 ans. Il a été pendu pour le crime de «guerre contre Dieu». Cette oppression au nom de la religion a favorisé la sécularisation de nombreux jeunes Iraniens.

Comment le premier appel à la grève générale a-t-il surgi?

Il y a eu des déclarations, de syndicats, de travailleurs, d’étudiants, d’universités. Depuis le début du mouvement, des conseils, où les gens prennent des décisions et communiquent entre eux, ont été créés dans chaque quartier, dans les universités, les entreprises. L’appel à la grève a circulé un peu partout grâce à eux. On ne sait pas d’où il vient, c’est global. Les gens s’organisent. Quand les manifestations ont commencé, le groupe de jeunes Javanan Mahallat Tehran, très actif dans la mobilisation, a appelé les ouvriers à faire grève. Les deux mouvements peuvent aboutir à quelque chose. Lorsque la première grève a éclaté dans une usine, le régime a immédiatement coupé internet et tous les moyens de communication. Mais cela n’a pas suffi. Dans toutes les villes il y a eu des grèves avant cette grève générale.

Une partie de l’économie est contrôlée par le régime des gardiens de la Révolution. Les grèves sont parties des ouvriers. C’est pour cela qu’ils sont en danger.

Deux jours avant la grève générale, le procureur de la République islamique a annoncé labolition de la police des mœurs. Quen est-il?

C’est une fake news. De la propagande. Les manifestants n’ont jamais demandé l’abolition de la police des mœurs, n’ont jamais chanté un slogan pour cela ou sur le hijab. Ce qu’ils veulent, c’est l’abolition de la totalité du régime. Pendant que les médias se concentraient sur cette fake news, le régime exécutait quatre personnes accusées d’être en contact avec le Mossad. C’était un détournement de l’attention des médias pour ne pas parler de la grève, de la jonction entre la jeunesse et les travailleurs.

En Iran, tout le monde savait que cette abolition n’était pas vraie. A l’étranger, tous ont parlé de ça et pas des exécutions. C’est une honte! C’est pareil pour l’exécution de Mohsen Shekari jeudi dernier. Tout le monde parlait du Time Magazine qui venait de désigner les femmes iraniennes comme héroïnes de l’année. Cet article a été rédigé par une journaliste membre du National Iranian American Council, une organisation faisant du lobbying aux Etats-Unis en faveur de la République islamique…

Comment la situation pourrait-elle évoluer?

Chaque jour est fait de beaucoup de tristesse, de mauvaises nouvelles avec des exécutions, des arrestations, des gens tués. Mais à côté, il y a de grands succès et de la fierté. Chaque jour, nous entendons des familles de personnes travaillant pour le gouvernement qui quittent l’Iran. Nous avons aussi lu que la République islamique négociait avec le Venezuela pour qu’il accepte que les dignitaires du régime s’y réfugient après la révolution! Selon la chaîne de télévision Iran International, quatre hauts responsables de la République islamique se sont rendus en octobre au Venezuela pour demander que les hauts fonctionnaires puissent y être accueillis en cas de «malheureux incident en Iran».

Il y a aussi les révélations faites par les hackers de Black Reward, qui ont montré, documents des gardiens de la révolution à l’appui, que les responsables de l'armée étaient au courant de l'incendie de la prison d'Evin à Téhéran une semaine avant qu’il se produise et n’ont rien fait pour l’empêcher. C’est dans cette prison que les prisonniers politiques sont enfermés. L’incendie a fait au moins huit morts et des dizaines de blessés, selon le régime. Ce dernier a aussi organisé une attaque, qualifiée par la suite de terroriste, qui a frappé le sanctuaire de Shah Cheragh dans la ville de Chiraz, dans le sud de l'Iran, faisant au moins deux morts parmi les enfants. Ces faits, survenus en octobre, ont montré le vrai visage du gouvernement, même aux gens qui ne le croyait pas.

Beaucoup d’éléments ont donné du courage à la population pour sortir dans la rue, faire grève, même dans des villes très religieuses. Nous sommes peut-être plus proches de la victoire que l’on ose imaginer.

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