Le pouvoir d’achat des travailleuses et des travailleurs s’érode. Pour faire face à la hausse du coût de la vie et rattraper le retard de ces dernières années, les syndicats revendiquent une augmentation générale, comprenant la compensation de l’inflation et une revalorisation des salaires réels
«Les négociations salariales 2022-2023 marquent un tournant décisif dans la politique salariale. Sans augmentations générales, beaucoup de salariés subiront une baisse de pouvoir d’achat», prévient Daniel Lampart, premier secrétaire de l’Union syndicale suisse (USS). La faîtière présentait vendredi dernier à Berne les revendications salariales de ses fédérations pour 2023. Celles-ci réclament des hausses de l’ordre de 4% à 5%.
L’indice des prix à la consommation devrait progresser de 3% en 2022, mais jusqu’à 3,5% durant les mois où auront lieu les négociations salariales, prévoit l’économiste Daniel Lampart. Des augmentations des primes maladie de 5% à 10% sont attendues, qui s’ajoutent à la hausse massive des prix de l’énergie. L’USS demande donc une compensation de 3% ou 3,5% suivant qu’on se réfère au renchérissement annuel ou mensuel. En sus, les syndicats veulent obtenir une augmentation d’environ 1% des salaires réels sur la base de la progression des gains de productivité et du retard pris ces dernières années dans l’évolution des rémunérations. Les écarts salariaux se creusent, comme le pointait une récente étude d’Unia (lire notre dernière édition). «En 2022, après déduction du renchérissement, les travailleurs à revenus bas et moyens gagnent moins qu’en 2016», indique Daniel Lampart. Les revendications syndicales sont d’autant moins exagérées que les perspectives conjoncturelles sont bonnes. Une croissance de 2,4% est attendue pour 2022 et de 1,9% l’année prochaine, les exportations ont progressé de 11,5% au premier semestre, de nombreuses branches font face à une pénurie de personnel et, à 2%, le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis vingt ans. Pierre-Yves Maillard, le président de l’USS, fait appel «au bon sens» et à la «décence» des employeurs: «Si au vu de tels chiffres, on n’adapte pas les salaires à la réalité de la hausse du coût de la vie, quand va-t-on le faire?»
270 francs pour les maçons
«Il est grand temps que l’ensemble de la population reçoive des augmentations de salaire sensibles. L’économie peut se le permettre», souligne la présidente d’Unia, Vania Alleva. Ainsi, dans le secteur principal de la construction, les entrées de commandes ont progressé de plus de 12%, atteignant 6,4 milliards de francs depuis le début de l’année. «Les travailleurs de la construction donnent le meilleur d’eux-mêmes dans des conditions très difficiles. Durant cet été de canicule, ils ont continué à bâtir le pays par des températures dangereuses pour la santé. Tous les maçons ont besoin d’augmentations de salaire cette année.» Raison pour laquelle les syndicats demandent, dans le cadre de la renégociation en cours de la Convention nationale (CN), la compensation du renchérissement plus une augmentation réelle des salaires de l’ordre de 1%. Sur la base du salaire moyen dans la construction, cela représente environ 270 francs par mois. Mais plutôt que d’améliorer la CN, la Société des entrepreneurs entend pour l’heure obtenir plus de flexibilité, notamment sur les horaires, ce qui pourrait conduire à une grève cet automne. Dans le second œuvre, les carnets de commandes sont aussi pleins et les perspectives favorables, même si le secteur souffre d’une pénurie de personnel qualifié. «Le besoin de rattrapage salarial est par conséquent important.»
Vania Alleva a aussi évoqué dans son intervention l’industrie et le secteur tertiaire. Dans le commerce de détail, par exemple, Unia veut obtenir 200 francs pour les collaborateurs de longue date. Partout, le syndicat revendique la pleine compensation du renchérissement et des augmentations. Et la syndicaliste de préciser: «Nous parlons d’augmentations des salaires réels qui dépassent le renchérissement. Moins signifierait une perte de salaire ou tout au mieux le maintien du pouvoir d’achat.»
Les revendications dans les branches d’Unia
Secteur principal de la construction: pleine compensation du renchérissement + 1% d’augmentation des salaires réels, soit quelque 270 francs en plus par mois pour un salaire moyen.
Second œuvre: renchérissement + 1% d’augmentation des salaires réels.
Commerce de détail: renchérissement + hausse générale de 100 francs par mois + augmentation de 100 francs à partir de cinq ans de service.
Chimie et industrie alimentaire: renchérissement + 1% au moins d’augmentation des salaires réels, soit hausse des salaires nominaux de 5%.
Industrie MEM: renchérissement + 1% d’augmentation des salaires réels.
Sécurité: pleine compensation du renchérissement pour toutes les catégories d’engagement. Dans le cadre du renouvellement de la CCT, Unia revendique la prise en compte de la formation et de l’expérience professionnelle dans l’établissement des catégories salariales.
Coiffure: pour compenser le renchérissement, Unia a obtenu 50 francs par mois d’augmentation des salaires minimums dès le 1er janvier 2023. Dans le cadre du renouvellement de la CCT, le syndicat revendique l’introduction d’un 13e salaire et la pleine compensation du renchérissement en 2023.
Hôtellerie-restauration: les syndicats ont décroché une augmentation pour 2023 des salaires minimums de 10 à 40 francs selon le degré de formation et la compensation du renchérissement pour toutes les catégories. Dans le cadre du renouvellement de la CCT, Unia revendique des augmentations salariales.
Unia a présenté son étude annuelle sur les écarts salariaux. Alors que les hauts revenus s’envolent, les bas et moyens salaires ont vu leur rémunération perdre de la valeur avec l’inflation. Le syndicat appelle à se mobiliser le 21 septembre.
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