Les jeux sont faits. Peut-être pas. Les derniers sondages sur les votations de dimanche laissent craindre que la révision de la Loi sur la surveillance des assurés passe la rampe avec près de 60% des voix. Or l’histoire nous montre que les sondages n’ont pas toujours raison. On peut y croire, croire que le lobby des assureurs et sa volonté de transformer tous les assurés en abuseurs potentiels soit remis à l’ordre par une population qui bénéficiera, un jour ou l’autre, des prestations des assurances sociales. Car c’est bien d’assurances concernant tous les salariés du pays qu’il s’agit: assurances accident, maladie, chômage, invalidité, mais aussi prestations complémentaires et AVS.
On peut encore y croire, pour autant qu’il y ait un sursaut de dernière minute des indécis et abstentionnistes. Car l’enjeu est central. Avec cette modification de la loi, les assureurs auront le droit de surveiller toute personne soupçonnée d’abus. Des «détectives sociaux», comme les appellent certains partisans de la loi, notamment de l’UDC, pourront vous épier lors d’un arrêt maladie, une période de chômage, ou une fois qu’une rente d’invalidité, par exemple après un accident de travail, vous aura été octroyée. Ils pourront vous suivre à la trace durant 30 jours depuis n’importe quel lieu public pour prouver que vous avez souri alors que vous souffrez de dépression, que vous profitez un peu de l’existence alors qu’invalide et en incapacité de travailler, celle-ci ne vous aura pas épargné. Ils pourront aussi vous épier jusque sur votre balcon ou dans le jardin de vos amis...
Au Parlement, ceux qui refusent d’introduire un minime contrôle des salaires dans les entreprises voudraient offrir aux assureurs plus de pouvoir que n’en dispose la police en matière de lutte contre la criminalité ou le terrorisme. On croit rêver. Mais c’est la triste réalité d’un pays propre en ordre où le profit compte avant tout. Et comme nous l’a montré l’affaire Corela, où des pseudos experts décidaient de la vie et de la mort sociale de personnes malades, la toute puissance des assurances ne s’exercerait plus seulement avant l’octroi de rentes mais également après, pour les retirer à ceux qui en auraient besoin.
Cette loi sur la surveillance vise à briser l’idée qu’être protégé par une assurance sociale est un droit pour lequel nous cotisons tous. Il vise une fois de plus à culpabiliser toutes les personnes atteintes dans leur santé, leur intégrité physique ou jetées au chômage par des décisions économiques dont elles ne sont pas responsables.
Le temps est compté, certes, mais il est encore possible, pour tous ceux n’ayant pas voté, d’aller glisser dans l’urne, dimanche, un non clair à cette inique Loi sur la surveillance. Les jeux ne sont peut-être pas faits.