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«Ils veulent qu’on travaille toujours plus vite»

Le syndicaliste José Sebastiao informe les travailleurs de l’enquête menée par Unia.
© Neil Labrador

Le syndicaliste José Sebastiao informe les travailleurs de l’enquête menée par Unia. Durant la visite, les langues se délient. «On nous traite comme des chiens, c’est de pire en pire. Il n’y a plus de respect pour les maçons», explique un ouvrier.

Unia part à la rencontre des maçons sur les chantiers de Suisse pour les interroger sur la question de la pression des délais et ses conséquences. Reportage à Genève

Il est tout juste midi, et le soleil tape sur cette journée de septembre. Sur le chantier des Communaux d’Ambilly, à Genève, les travailleurs se sont réfugiés dans les baraques pour prendre leur repas bien mérité. Malgré la rudesse de leur labeur, l’heure est à la bonne humeur. Les syndicalistes d’Unia s’immiscent dans ce moment de détente le temps de quelques minutes. Ils sont venus sensibiliser les travailleurs dans le cadre de la campagne nationale sur le stress au travail lié à la pression des délais et du temps dans le gros œuvre. José Sebastiao, responsable du secteur au bout du lac, revient sur le contexte. «Sur les chantiers, même publics, les délais doivent être respectés à tout prix, même s’ils sont irréalistes et qu’ils vont au détriment de la qualité, de votre sécurité ou de votre santé, lance-t-il aux ouvriers. Nous avons réussi l’année passée à maintenir la retraite anticipée à 60 ans et à éviter trop de flexibilisation du temps de travail, mais la revendication patronale principale en 2022 sera, comme dans tous les autres secteurs, l’augmentation du temps de travail. De notre côté, nous voulons leur montrer que plus la pression et le stress au travail sont importants, plus les accidents sont courants.» Et de citer trois cas graves d’accidents récents sur le chantier de l’Etang.

Ce jour-là, ils sont une trentaine de différentes entreprises: des maçons, des ferrailleurs et des coffreurs. «Nous avons besoin de votre avis», lance José Sebastiao, tout en leur distribuant les questionnaires.

Questionnaire accessible

Après quelques questions sur leur domaine d’activité, leur ancienneté et leurs qualifications, les employés se voient demander si la pression sur les délais a augmenté ces dernières années, si oui, si elle entraîne plus de stress, et quels effets négatifs elle engendre (santé, qualité du travail, sécurité, ambiance au travail, etc.). On les interroge également pour savoir si ce phénomène a un impact négatif sur leur vie de famille ou privée et, enfin, s’il est nécessaire d’agir contre cette pression croissante.

Les secrétaires syndicaux, plutôt bien accueillis, passent entre les tables, expliquent, traduisent si besoin, la plupart des travailleurs n’étant pas francophones. C’est là que les langues se délient.

«Plus vite!»

«Maintenant, c’est comme ça, on doit toujours courir», rapporte un ouvrier. «Ces dernières années, c’est une réalité, ils veulent qu’on travaille toujours plus vite! Tout le monde le sait, et on doit faire avec», ajoute un autre. «A peine tu commences le chantier qu’il doit déjà être fini...» Une pression exercée par les contremaîtres, envoyés au front. Une fois le repas terminé, place au café. Les salariés profitent d’encore quelques instants de répit pour souffler dehors, avant d’y retourner. Pour ce grutier, actif à Genève depuis une trentaine d’années, cela n’a pas toujours été ainsi. «Depuis les années 1980, les choses ont bien changé. Si la question de quitter le Portugal pour travailler en Suisse se posait aujourd’hui, je ne viendrais pas. On nous traite comme des chiens, c’est de pire en pire. Il n’y a plus de respect pour les maçons: la façon de parler a changé et la discussion n’est plus possible. Dès qu’on ose demander quelque chose, on nous dit de prendre la porte, car d’autres sont prêts à faire le job.» Sur la question de la pression des délais, c’est le même son de cloche. «Souvent, on entend: “Vas plus vite!” ou “Ça va pas assez vite!”. C’est simple, ils veulent qu’on aille toujours plus vite, avec toujours moins de personnel.»

L’enquête court jusqu’au 31 octobre. Les résultats seront présentés à la conférence professionnelle des maçons du 23 novembre.

Questionnaire disponible ici.

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