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Jeunes d’ici et d’ailleurs

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© Sabrina Lazzaro

Hassan, sa mère et le reste de la famille ont fui la Syrie il y a quelques années.

Des jeunes migrants ont partagé leur parcours de vie avec des collégiens genevois dans le cadre d’un projet pédagogique. «L’Evénement syndical» a assisté à ces rencontres

Deux mondes qui se rencontrent. D’un côté, des élèves genevois ou en tout cas établis en Suisse depuis presque toujours et, de l’autre, des élèves de classe d’accueil, qui ont migré dans notre pays avec des contextes souvent difficiles. Le projet, mené par l’enseignante Maria Garcia, du Cycle d’orientation de la Gradelle, est le suivant: mettre en parallèle ces deux mondes et faire s’entrecroiser les origines, les religions et les générations. C’est ainsi qu’il y a quelques mois, ces jeunes se sont rencontrés et se sont racontés à travers des interviews. L’occasion pour les uns de travailler leur expression orale en français, pour les autres de rédiger un portrait et pour tous de vivre une expérience humaine de partage. 

«Ce projet me tenait à cœur depuis plusieurs années, explique Maria Garcia. Le parcours de vie des migrants me touche personnellement, car mes parents ont quitté l’Espagne pour des raisons économiques et nous offrir un monde meilleur.» Une exposition aura lieu ce mois-ci à l’école pour partager le projet. 

On y retrouvera le parcours de Manuel, originaire de Guinée équatoriale, venu chercher une vie meilleure, mais aussi celui de Micky, jeune thaïlandais, dont la maman a suivi l’amour en terres helvétiques. Tout aussi touchant, l’exil de Luciana, qui a quitté le Honduras rongé par la corruption à la recherche d’une meilleure éducation, ou encore l’immigration économique de Maria, venue du Portugal.

«Les élèves ont été touchés et marqués par ces entretiens, c’est une graine qui est plantée dont la germination se fera progressivement. Le but est aussi de sensibiliser les gens peu tolérants à la migration en apaisant les peurs ou en complétant une ignorance.»

 

«Ici, on peut vivre sans avoir peur de mourir»

Setayesh a 14 ans. Elle vient de Hérat, en Afghanistan. Elle est accompagnée de sa maman, Fatema, âgée de 38 ans. Dans son pays, cette dernière était coiffeuse. «Les talibans ont fait fermer tous les salons de coiffure et les instituts de beauté», raconte Fatema, en farsi, traduite par sa fille. «Nous n’avions plus le droit d’utiliser les produits cosmétiques, vernis à ongles et autres couleurs pour cheveux...» Setayesh, Fatema et son mari ont fui leur pays à cause de la guerre et des discriminations envers les femmes. Le périple a duré cinq ans, entre le départ et l’arrivée en Suisse, à Genève. «Nous sommes allés en Iran, puis en Turquie à pied. Nous avons tenté de rejoindre la Grèce en bateau, mais il y avait toujours la police. Nous sommes restés plusieurs semaines en Turquie dans la forêt, sans sanitaires et avec un repas par jour.» Setayesh se souvient qu’après quatre tentatives, sa famille finira par réussir à accoster en Grèce à bord d’un bateau de 9 mètres qui transportait 60 personnes. «Nous étions dans le camp de Mouria, se rappelle la jeune fille. A l’entrée il y avait écrit Bienvenue en enfer. Les conditions de vie étaient extrêmement rudes, c’était sale, il y avait des rats dans les tentes. Tout le monde était malade, mais il n’y avait aucun médecin. Il y avait des conflits entre les gens, nous avons vraiment eu peur. Ma mère, alors enceinte, a perdu son bébé dans ce camp.» Au terme de deux ans passés en Grèce, Fatema sera la première à rejoindre la Suisse, après avoir déboursé 8000 euros pour un «passeur». «Une seule personne pouvait y aller, nous avons dû nous séparer.» 

L’arrivée en Suisse n’a pas été rose pour Fatema. «On m’a dit d’aller à Neuchâtel, mais je ne connaissais rien ni personne et j’étais incapable de lire. Personne ne m’a aidée. Je me souviens avoir pleuré toute la journée. Arrivée au centre , la nourriture était immonde; nous étions vingt personnes dans une chambre et ne pouvions sortir que de 10h à 17h. On pouvait travailler, faire du ménage ou de l’intendance: j’ai travaillé douze jours et j’ai reçu un seul cachet au lieu des douze promis.» Elle ira ensuite à Fribourg, pour terminer à Genève, d’abord dans un foyer, et maintenant dans un appartement. Setayesh et son papa ont rejoint Fatema un an après leur séparation, en 2022. L’adolescente pesait alors 32 kilos. «Maintenant je vais mieux. Evidemment que l’Afghanistan nous manque, c’est notre pays, mais nous refusons les règles imposées par les talibans. Ici, on peut vivre sans avoir peur de mourir. On est libres, on peut travailler, étudier, s’habiller comme on veut, faire du sport, sortir avec nos amis et parler avec des garçons!»

Les camarades de Setayesh sont un peu sonnés à l’issue de cette interview de plus d’une heure retraçant le parcours migratoire de cette famille, semé de tant d’embûches. «C’est touchant, c’est incroyable tout ce qu’ils ont vécu», réagit l’une d’elles. «On se sentirait incapables de faire ça nous», dit une autre. Ce qui a déclenché une forte réaction chez ces ados, c’est la différence de traitement entre les migrants dans les foyers d’accueil, ici en Suisse. «Pourquoi les Afghans ou les Iraniens ne sont pas traités comme les Ukrainiens, à qui on a facilité l’entrée sur le territoire et l’intégration?» La question restera sans réponse…

 

Fuir l’horreur

Mohammed et Hasan, respectivement 14 et 15 ans, viennent tous les deux de Syrie. Leurs destins se croisent en Suisse. Mounir, le père de Mohammed, qui était forgeron dans son pays, raconte: «Avant la guerre, la vie était belle, nous avions nos amis et une vie sociale riche. Depuis 2011, c’est difficile pour tout le monde.» Ils quittent la Syrie pour le Liban où ils resteront plusieurs années. «Nous avons été victimes de beaucoup de racisme, c’était dur. De plus, mon autre fils était malade et nous n’avions pas accès à des médicaments.» Ils finiront par rejoindre la Suisse.

Hasan, lui, a grandi dans la province d’Alep. Avec l’éclatement de la guerre, il n’y avait plus d’école et jouer dans la rue était devenu un danger. Dans une volonté d’offrir de bonnes études à ses enfants, la famille Kanno décide de s’exiler. C’est le papa qui partira en premier. Un périple long à pied et en car à travers la Turquie, la Grèce, la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, l’Autriche et enfin la Suisse. «Nous l’avons rejointe alors en avion avec l’aide du CICR», précise Jahida, sa maman, accompagnée par un traducteur. Le plus beau souvenir de leur vie? Leur arrivée dans nos frontières et les retrouvailles avec le papa. «On s’est enfin sentis en paix. Nos enfants ont, ici, des opportunités d’avenir. L’école impose un cadre et le respect.» Ce qui les a surpris? Les montagnes et la neige, mais aussi le statut des femmes. «En Syrie, les femmes sont respectées, mais elles sont cantonnées aux tâches domestiques et éducatives, alors qu’ici les femmes peuvent assumer d’autres rôles, comme les hommes», remarque la mère de Hasan, qui appelle par ailleurs à plus de tolérance avec les migrants. «Nous avons traversé des choses difficiles, sinon nous n’aurions pas quitté notre pays, il faut essayer d’être plus compréhensifs et ouverts avec nous.» 

 

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