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La Coalition pour des multinationales responsables continue d’aller au charbon

La mine de charbon de Cerrejon en Colombie.
© DR

La mine de charbon de Cerrejon en Colombie est l’une des plus grandes du monde. Son exploitation par Glencore est responsable d’importantes destructions environnementales et de graves violations des droits humains.

Le groupement qui avait porté l’initiative en 2020 a lancé une grande pétition et a organisé une tournée de conférences sur les activités minières de Glencore en Colombie

Les partisans de multinationales responsables ne désarment pas. On se souvient que, soumise en votation en novembre 2020, l’initiative populaire «Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement» avait recueilli 50,7% des suffrages, mais buté sur la majorité des cantons. Malgré cet échec, la coalition qui avait défendu le texte et qui regroupe 80 organisations, dont Unia, poursuit son travail militant. Elle vise aujourd’hui en l’espace de cent jours à recueillir 100000 signatures à l’appui d’une pétition demandant au Conseil fédéral d’élaborer enfin une loi sur la responsabilité des multinationales suisses à l’étranger. En prenant exemple sur la Commission européenne, qui, fin février, a présenté aux Etats membres une nouvelle législation prévoyant un devoir de diligence étendu pour les entreprises de plus de 250 collaborateurs, une responsabilité pour les dommages occasionnés par des filiales et des sous-traitants, ainsi qu’une autorité de surveillance pouvant infliger des amendes. «Nous avons décidé de continuer, car nous sommes convaincus que le contre-projet entré en vigueur ne changera rien sur le terrain pour les droits humains, qu’il faut poursuivre notre engagement tant qu’aucun mécanisme de sanctions efficace n’aura été mis en place», a expliqué Chantal Peyer, membre du comité de la Coalition pour des multinationales responsables, au début du mois de mai à Genève dans le cadre d’une tournée de conférences consacrées au cas emblématique de Glencore.

«Nous mourrons de faim»

«Vous contribuez à réduire les émissions. Nous aussi»: le groupe de négoce et d’extraction de matières premières sis à Zoug s’est payé dernièrement une campagne de pub qui fleure bon le greenwashing. Sur son site internet, on découvre également que la société, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 187 milliards de francs en 2021, prétend aussi «réduire notre empreinte carbone», «faire renaître la nature» ou encore «penser circulaire»… Invités par la Coalition, deux militants colombiens ont pu donner un autre son de cloche.

En Colombie, Glencore exploite la mine de charbon de Cerrejon, l’une des plus grandes du monde. Quelque 30 millions de tonnes de houille sont extraites chaque année de cette mine à ciel ouvert couvrant près de 700 km2, soit deux fois et demie la taille du canton de Genève, en libérant une quantité de particules fines et en polluant les cours d’eau par les métaux lourds et les produits chimiques. La population locale se bat depuis des décennies contre les déplacements forcés, l’anéantissement de ses moyens de subsistance, la destruction de l’environnement et les risques sanitaires. «Les communautés indigènes sont les plus touchées. En quarante ans d’exploitation, 35 d’entre elles ont été déplacées. Notre tissu social a été détruit et, faute de terres pour cultiver, nous mourrons de faim. Cette extraction minière est la source de notre pauvreté», témoigne Samuel Arregoces, représentant des communautés voisines de la mine. «Des abus de pouvoir ont été commis pour s’accaparer ces terres, il y a eu des expropriations violentes, des achats forcés sous la menace, tandis que des communautés se sont retrouvées encerclées par la mine et ont été obligées de quitter le site», indique Rosa Maria Mateus Parra, membre du Cajar, un collectif d’avocats défendant les droits humains. Samuel Arregoces évoque aussi des «menaces» à l’encontre des militants et des représentants des communautés. «Certains ont dû prendre la fuite.»

Rivière détournée

Dans cette région sèche du nord de la Colombie, l’eau est capitale. «Plus la mine se développe, plus l’eau vient à manquer pour les riverains. Pendant ce temps, Glencore gâche le précieux liquide en arrosant les pistes afin d’éviter que la poussière ne salisse le charbon.» En 2016, la multinationale a détourné une rivière, le Rio Bruno, afin d’accéder aux réserves de charbon se situant sous son lit. Constatant que l’approvisionnement en eau de la population était menacé, la Cour constitutionnelle de Colombie a stoppé le projet. Glencore s’est alors retournée contre l’Etat colombien en exigeant des dédommagements. La société s’appuie sur un accord bilatéral de protection des investissements conclu entre la Suisse et la Colombie. «Les accords de protection des investissements permettent à une entreprise étrangère de porter plainte contre un Etat. On recense à ce jour 1200 plaintes connues, essentiellement dans les pays en développement, dont 43 déposées par des entreprises ou des investisseurs suisses. Les dédommagements peuvent se monter à plusieurs milliards de dollars. Du coup, certains Etats renoncent à des politiques publiques par crainte de ces procédures», explique Isolda Agazzi, membre de la direction d’Alliance Sud. La plainte de Glencore doit être encore examinée par un tribunal arbitral composé de trois arbitres désignés par les deux parties. «Les pays du Sud ont signé beaucoup de ces accords en espérant attirer des investissements, mais plusieurs Etats ont décidé de les résilier. La Tanzanie a ainsi renégocié ses contrats miniers et mis Glencore à la porte.»

«Nous pouvons changer les choses»

«Glencore prétend être une entreprise responsable, mais nous constatons beaucoup de violations des droits humains et d’atteintes à l’environnement, indique Rosa Maria Mateus Parra. Nous pensons que la Suisse doit contrôler cette entreprise et l’empêcher de commettre des abus à l’étranger, il faut que la société civile suisse s’engage pour attirer l’attention sur son comportement.»

«C’est à nous, les citoyens, de définir la manière dont les entreprises peuvent faire du profit, l’économie doit être encadrée, conclut Chantal Peyer. Nous pouvons rester optimistes: nous avons le pouvoir de changer les choses.»

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