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La dernière garnde grève des cheminots français ?

Le bras de fer entre le gouvernement et les cheminots est emblématique. Il n'y a pas que les régimes spéciaux qui sont en jeu...

Après une première grève à la mi-octobre, les cheminots français ont déclenché la semaine passée une deuxième grève qui a paralysé le pays durant plusieurs jours. Au cœur de ce mouvement, il y a la remise en cause des régimes spéciaux de retraite par le gouvernement. Mais à y regarder de plus près, c'est le pouvoir de «nuisance» des syndicats que le nouveau pouvoir en place veut briser.

Fille d'un cheminot syndicaliste SEV, Micheline Calmy-Rey rencontrait jeudi 15 novembre à Paris Nicolas Sarkozy, alors que les cheminots français lançaient leur deuxième grande grève de cet automne. On ignore si la présidente de la Confédération et son homologue français ont abordé ce sujet dans leurs discussions. S'ils l'ont fait, certainement qu'ils ont dû mesurer la grande différence qu'il existe entre la Suisse et la France au niveau du partenariat social, notamment chez les cheminots.

Différences
Aux CFF, les cheminots suisses affichent un taux de syndicalisation qui avoisine 70% et leur dernière grande grève remonte à... 1919. A la SNCF, seulement 8% des cheminots sont syndiqués, mais leurs mouvements de grève sont quasi annuels. La semaine des 35 heures de l'autre côté du Jura, les 41 heures hebdomadaires de ce côté-ci. On pourrait multiplier les comparaisons qui illustrent les différences de traitement entre cheminots français et suisses. Ce qui est en jeu ces jours-ci en France, ce sont les régimes spéciaux des retraites. Régimes qui n'ont pas d'équivalent en Suisse. Le gouvernement français veut que les cheminots partent à la retraite comme à peu près tout le monde en France, soit après 40 années de travail et non 37,5 années. Les syndicats ont accepté d'entrer en matière sur cette proposition, mais ils veulent négocier des compensations.

Basses manoeuvres
Même si le mécanisme des régimes spéciaux paraît très complexe avec ses systèmes de décote et surcote, de taux et de durée de cotisation, d'âge de départ à la retraite théorique et d'âge de départ effectif, d'un regard extérieur, la donne paraît somme toute assez simple. D'un côté le gouvernement français entonne son refrain préféré qu'il faut travailler plus pour gagner plus; de l'autre côté les syndicats répondent d'accord pour travailler quelques années de plus, mais avec des garanties que les cheminots gagneront davantage. Quoi de plus normal donc que de demander des compensations et des garanties. Mais c'est là qu'entre en jeu un troisième élément qui brouille les cartes: la volonté du gouvernement de casser le pouvoir syndical en jouant avec le mécontentement de la population qui n'apprécie que très moyennement l'absence de trains, de métros et de bus. Le journaliste Alain Guédé a finement analysé la situation dans le Canard enchaîné du 14 novembre. «Le gouvernement pousse les cheminots à faire grève, tout en amusant le tapis avec des discussions. Une bonne petite grève permettrait à Sarkozy de montrer qu'il est capable d'imposer ses réformes, en résistant à la pression de la rue (et, ainsi, de faire mieux passer la pilule d'un service minimum en janvier prochain), alors qu'il a déjà dans la manche les cartes qu'il est prêt à abattre.» La Vie du Rail a rapporté dans son numéro spécial consacré à cette grève l'avis de dizaines de cheminots. Comme le journaliste du Canard enchaîné, ils ne sont pas dupes des manœuvres gouvernementales. Jean, 53 ans, travaille aux guichets SNCF à Nantes. «Cette réforme des régimes spéciaux cache une volonté de casser le dernier bastion syndical fort que représente les cheminots. Leur régime de retraite, les cheminots se le payent.»
Des négociations tripartites devraient débuter ce mercredi entre syndicats, direction de la SNCF et gouvernement. Poussés par leur base, les syndicats n'auront pas de peine à convaincre leurs interlocuteurs que les cheminots français ne sont pas prêts à se laisser manger à n'importe quelle sauce. Si les compensations des régimes spéciaux ne s'avèrent pas correctes, d'autres grèves suivront.

Alberto Cherubini



Les régimes spéciaux, une exception française

En France, il n'y a pas que les cheminots qui bénéficient d'un régime spécial de retraite. Une douzaine de régimes spéciaux sont encore en vigueur. L'origine du régime spécial des marins - le plus ancien - remonte à 1709; celui de la Banque de France à 1806; la Comédie française 1812. Le régime spécial des chemins de fer a été créé en 1855, unifié en 1909 et préservé en 1937 lors de la création de la SNCF. Si le régime spécial en vigueur à la SNCF permet aux cheminots de partir plus tôt à la retraite, c'est qu'il tient compte notamment de la pénibilité des horaires de travail et de l'attribution des lieux de service par l'entreprise.