La ligne rouge est respectée
Les syndicats ont salué la décision du Conseil fédéral du 7 juin dernier de ne pas signer dans ces conditions l’accord-cadre avec l’Union européenne
Victoire d’étape des syndicats dans la bataille pour défendre les mesures d’accompagnement. Le Conseil fédéral l’a annoncé à l’issue de sa séance du 7 juin dernier: en l’état, il ne signera pas l’accord institutionnel avec l’Union européenne (UE). Dans un courrier envoyé au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le gouvernement a demandé une clarification sur trois points: la directive relative aux droits des citoyens de l'Union, qui entraînerait un accès facilité des ressortissants de l’UE aux prestations sociales; la réglementation européenne prohibant les aides d’Etat, qui menacerait les subventions agricoles et aux secteurs publics; et, enfin, les mesures d’accompagnement. Bruxelles veut notamment réduire de huit à quatre jours le délai qui oblige une entreprise étrangère à annoncer l’emploi de travailleurs détachés en Suisse.
Or, comme le martèlent les syndicats depuis l’été dernier, sans la règle des huit jours, notre pays est menacé par la sous-enchère salariale. Avec seulement quatre jours de délai, il deviendra «impossible d’imposer les conditions de travail suisses aux entreprises de détachement», assure l’Union syndicale suisse (USS) dans un document consacré à cette question. Rappelons que les mesures d’accompagnement permettent de contrôler environ 40000 entreprises chaque année, d’augmenter les salaires de dizaines de milliers d’employés trop peu payés ou encore de bannir des entreprises étrangères qui commettent des violations flagrantes ou s’adonnent à une sous-enchère salariale répétée, entreprises qui ne sont plus autorisées à travailler en Suisse. Les syndicats font du dispositif la condition de leur soutien à la libre circulation et ont tiré une «ligne rouge» à ne pas franchir. Le message semble avoir été entendu à Berne.
Vif scepticisme...
L’USS et Unia ont salué dans des communiqués la décision du Conseil fédéral. Un «cap important» est pris pour la faîtière syndicale, tandis qu’Unia y voit un «signal pour les droits des salariés, non seulement en Suisse, mais dans toute l’Europe».
Le Conseil fédéral a bien compris qu’avec l’opposition, d’un côté, de la gauche et des syndicats et, de l’autre, de l’UDC, il serait difficile de faire passer cet accord-cadre dans ces conditions. Les points contestés «ne permettent pas de réunir une majorité», écrit Ueli Maurer à Jean-Claude Juncker. L’UDC ne veut évidemment pas que des Européens bénéficient de prestations sociales et, plus fondamentalement, ne veut pas entendre parler d’un accord institutionnel avec l’UE. De leur côté, les syndicats ont, en sus de la protection des salaires, fait part durant la consultation de leur «vif scepticisme» concernant les aides d’Etat, nous apprend le rapport du Conseil fédéral, et ont demandé à ce que les domaines liés aux services publics en soient exclus. Le gouvernement a promis d’associer «étroitement» les partenaires sociaux et les cantons dans les prochaines étapes de négociations avec l’UE.
Il veut aussi se donner toutes les chances lors de la votation de l’année prochaine sur le texte de l’UDC «pour une immigration modérée». Cette initiative dite de limitation propose ni plus ni moins que de résilier l’accord sur la libre circulation, ce qui provoquerait, par l’effet guillotine, l’annulation des accords des bilatérales I et un possible retour au régime honni des saisonniers. «Tout en s'opposant clairement à cette initiative, le Conseil fédéral se doit de l'inclure dans la réflexion sur la définition de sa politique à l'égard de l’UE», plaide le gouvernement auprès du président de la Commission. Unia rejette aussi «fermement» l’initiative de l’UDC. Pour le syndicat, c’est clair, le parti d’extrême droite «crée de nouvelles formes de discrimination, affaiblit la protection salariale, nos conventions collectives de travail et les droits de l’ensemble des salariés, et fait de celles et ceux qui n’ont pas de passeport suisse des boucs émissaires».