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La pression des délais sur les chantiers, un danger croissant

Ouvrire répondant à l'enquête d'Unia.
© Neil Labrador

L’année dernière, Unia a réalisé une grande enquête sur la pression des délais dans les chantiers. Le syndicat est allé à la rencontre des maçons et des ouvriers du gros œuvre sur les lieux de travail, comme ici à Genève en septembre.

L’enquête d’Unia révèle que le phénomène est toujours plus fort, se répercutant sur la santé et la sécurité des travailleurs, mais aussi sur la qualité de leur travail. Des solutions existent

Une vaste enquête menée par Unia dans toute la Suisse l’automne dernier montre que la pression des délais sur les chantiers est une réalité. Un danger, même.

Sur les 12203 travailleurs sondés, 78% ont indiqué que la pression des délais a augmenté ces dernières années et 73% d’entre eux ont affirmé que cela a engendré plus de stress. Comme conséquences, ils ont répondu à 55% que leur santé en pâtissait, à 52% que la qualité du travail diminuait et à 51% que la sécurité au travail était négligée. L’impact de la pression sur les délais ne s’arrête pas aux portes du chantier, selon cette étude, mais a des répercussions sur la vie privée des employés du secteur principal de la construction. C’est ainsi que 68% des maçons interrogés se voient contraints de sacrifier une grande partie du temps qu’ils consacrent à leur famille et aux loisirs. «On voyait les symptômes depuis un moment sur les chantiers, mais on ne s’attendait pas à des chiffres si marqués et à une problématique d’une telle ampleur», réagit François Clément, membre de la direction du secteur de la construction chez Unia.

Se tuer à la tâche

«La pression des délais sur les chantiers a massivement augmenté ces dernières années, a déclaré le maçon bernois Antonio Ruberto, présent lors de la conférence de presse du syndicat. Et nous, les maçons, nous le payons avec le peu de temps libre qui nous reste, avec notre santé et toujours plus souvent avec notre vie.» En effet, si les accidents peu graves ont diminué sur les chantiers, les accidents graves et très graves ont, eux, augmenté. «Un ouvrier meurt toutes les deux semaines sur un chantier en Suisse et un maçon sur six est victime d’un accident chaque année, insiste François Clément. De même, le nombre d’accidents est trois fois plus élevé dans cette branche et les décès dans le cadre du travail sont six fois plus fréquents.»

Maîtres d’ouvrage en cause

Malgré les risques, les maîtres d’ouvrage ne cessent d’exiger des délais de plus en plus serrés. «A côté de la pression existante, on observe depuis quelques années une autre évolution dangereuse, souligne Chris Kelley, coresponsable du secteur de la construction d’Unia. De plus en plus de maîtres d’ouvrage exigent que leurs projets de construction soient réalisés en toujours moins de temps.»

Les contremaîtres, qui ont eux aussi participé à l’enquête, le confirment. Les 83% des 610 contremaîtres interrogés (soit 10% des effectifs suisses) affirment que les maîtres d’ouvrage exigent toujours plus souvent des délais irréalistes: 78% assurent que le délai final reste inchangé même si le début des travaux a été retardé et 64% rapportent qu’ils n’ont pas souvent les ressources suffisantes pour respecter les délais sans recourir aux heures supplémentaires et au travail du samedi. Enfin, très préoccupant selon Unia, 61% d’entre eux disent qu’il reste trop peu de temps pour la sécurité au travail en raison de cette pression. «La SSE reconnaît que les délais sont courts et met en cause les démarches administratives, de plus en plus longues pour obtenir un permis de construire, ajoute François Clément. En effet, il peut y avoir des erreurs de planification ou des circonstances imprévues qui engendrent des retards avant même que le chantier ait commencé, mais les délais ne sont pas reportés. Pire, certains maîtres d’ouvrage menacent d’amender les entreprises en cas de retard de livraison.» Des situations de détresse auxquelles se trouve souvent confronté le syndicat en été. «En période de canicule, nous avons des appels d’entrepreneurs qui nous demandent de les aider à mettre leurs travailleurs à l’abri et à faire front face au maître d’ouvrage qui exige que le travail continue, révèle le responsable syndical. Au final, ce sont toujours les ouvriers qui paient le prix de ce retard.»

Urgence d’agir

Contre cette problématique, 76% des maçons veulent agir aux côtés d’Unia. Dans ce cadre, des assemblées seront prochainement organisées dans toute la Suisse pour informer les travailleurs mais aussi élaborer des revendications, en matière d’organisation du travail ou de temps de travail. «Des solutions existent pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs, assure François Clément. Dans le cadre de la CCT mais aussi auprès des maîtres d’ouvrage.»

Ensuite, la Landsgemeinde de la construction, qui aura lieu le 6 juin à Berne, réunira des maçons et des contremaîtres de toute la Suisse pour fixer les priorités et les objectifs sur ce sujet précis, ainsi que la stratégie à suivre.

Plus d’infos sur: unia.ch/pression

Inscription à la grande réunion du 6 juin via: construction [at] unia.ch (construction[at]unia[dot]ch)

Secteur juteux

Le constat est clair pour Unia: de moins en moins d’ouvriers doivent construire toujours plus et en toujours moins de temps, alors que l’économie de la construction est au beau fixe. «La conjoncture est positive depuis une dizaine d’années, confirme François Clément. Quant à la rentabilité de l’ouvrier, elle a presque doublé depuis 2008.»

Coïncidence ou pas, le jour même de la présentation des résultats de cette étude, la Société suisse des entrepreneurs (SSE) a diffusé un communiqué de presse annonçant un exercice 2019 positif dans la construction avec un chiffre d’affaires s’élevant à 20,7 milliards de francs. Les employeurs se réjouissent de «carnets de commandes bien remplis» et tablent sur un chiffre d’affaires «d’au moins 20 milliards de francs» pour 2020.

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