La sécurité sur les chantiers doit être une priorité
Les accidents, notamment graves, sont de plus en plus importants. En cause, la pression sur les délais, mais aussi le travail temporaire et les intempéries. Unia se montre très préoccupé
Le syndicat Unia dénonce depuis plusieurs années des cas de chantiers dits indignes, où les questions d’hygiène, de santé et de sécurité au travail ne sont pas respectées. A Genève, notamment. «Entre 2021 et 2022, nous avons demandé à plusieurs reprises aux services d’inspection de procéder à des contrôles, car nous avons été confrontés à des situations dangereuses, explique José Sebastiao, secrétaire syndical en charge du secteur à Genève. Nous avons clairement vu qu’il y avait des problèmes de sécurité sur les chantiers du gros œuvre et du second œuvre.»
Les chiffres publiés fin mars dans le Rapport de gestion du Conseil d’Etat genevois de 2022 le confirment. Le nombre d’infractions constatées aux prescriptions de sécurité sur les chantiers a fortement augmenté, passant de 209 en 2020 à 223 en 2021, pour atteindre 261 en 2022, soit une augmentation de près de 25% en deux ans. A noter en parallèle que le nombre de visites de contrôle a, lui, baissé pendant la même période. Il y a eu 3873 contrôles en 2020 contre 3796 en 2022. On a donc eu moins et tout de même plus d’infractions constatées… «Nous avions raison, souligne le syndicaliste. Les accidents sont de plus en plus récurrents. Nous sommes très préoccupés par cette situation.»
Hausse des accidents graves
Dans les autres cantons, les chiffres n’ont pas encore été publiés, et ceux de la Suva s’arrêtent en 2021, mais Simon Constantin, membre de la direction du secteur de la construction à Unia, confirme cette tendance générale à la hausse des accidents sur les chantiers. «Il y a de plus en plus d’accidents graves, notamment à cause de l’augmentation de l’énergie cinétique sur le chantier. En d’autres mots, le progrès technique des machines permet d’aller plus vite et de soulever davantage de charge, ce qui rend les accidents plus graves lorsqu’ils arrivent.» Celui-ci rappelle qu’en Suisse, une personne décède toutes les deux semaines sur un chantier. Rien que dans le secteur principal de la construction, ce sont près de 20 travailleurs qui trouvent la mort chaque année.
D’après les chiffres de la Suva, les accidents graves ont augmenté de 13,5% entre 2012 et 2021 au niveau suisse. En 2021, 2090 travailleurs ont été victimes d’un accident grave, c’est-à-dire qui a eu pour conséquence une rente accident pendant plus de 90 jours. Enfin, les maladies professionnelles ont, elles, explosé de plus de 67% en neuf ans dans le secteur, tout comme les cas de décès liés aux maladies professionnelles (+73,7% entre 2012 et 2021).
Combo explosif
Comment expliquer ce phénomène? «La pression sur les délais, et le stress et la fatigue que cela engendre, cumulés avec le recours massif à la sous-traitance et aux travailleurs temporaires est un mélange explosif, répond José Sebastiao. Avant même d’avoir commencé l’ouvrage, il faudrait que ce soit terminé... Il faut toujours aller plus vite!»
La grande proportion d’intérimaires est donc aussi un facteur. «Ceux qui viennent de commencer sur le chantier ne savent pas forcément reconnaître les différents dangers et/ou sont mal formés à la sécurité, détaille Simon Constantin. Ils ne sont pas conscients des enjeux et cela rajoute du stress à leurs collègues expérimentés.»
Il y a aussi la question des intempéries, et pas seulement hivernales. Selon la Suva, sur une journée où le thermomètre dépasse les 30 degrés, on recense 7% d’accidents en plus. «La canicule et ses risques doivent être pris au sérieux, poursuit le responsable syndical. Le corps et l’esprit se fatiguent plus rapidement, et l’accident est plus vite arrivé!»
La santé passe avant tout
Que faire pour y remédier et prioriser la sécurité des travailleurs du bâtiment? Des discussions ont lieu, à Genève comme au niveau national, sur les plans paritaire et politique. Mais rien de concret pour le moment. «Sur la question des intempéries, nous n’avons pas encore réussi à avancer au cœur de la Convention nationale (CN), mais deux interventions sont pendantes au Parlement, informe Simon Constantin. Il faut également rendre l’assurance intempéries plus adaptée à la réalité du terrain.» Une pétition lancée par Unia exige notamment que les employeurs mettent leur personnel en sécurité lorsque l’activité devient dangereuse et qu’aucune pénalité de retard ne soit réclamée en cas d’arrêt du travail lié à la météo.
Pour José Sebastiao, il est extrêmement important de réduire la sous-traitance et le travail temporaire, sur les marchés publics et privés, partout en Suisse. De même, il est urgent de réduire le temps de travail. «Partout en Europe, le débat public tourne autour de la baisse du temps de travail, alors que les patrons de la construction veulent toujours l’augmenter. On va droit dans le mur!»