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L’arrêt des hostilités, maintenant!

Mais qu’est-ce qui a pris le groupe socialiste aux Chambres fédérales!? Sa motion approuvée la semaine dernière par la Commission de politique de sécurité du Conseil national ouvre la voie à la réexportation par des pays tiers de matériel de guerre produit en Suisse. L’idée est donc d’aider militairement l’Ukraine contre la Russie. Car le conflit est dans l’impasse. L’année dernière, on nous disait qu’on allait mettre l’économie russe à genoux par des sanctions. Pourtant, en Corée du Nord, en Iran ou en Syrie de telles sanctions ont plus fait souffrir les populations que les régimes en place. L’échec s’étant répété avec la Russie, on veut nous faire croire aujourd’hui qu’il faut envoyer des armes lourdes pour renverser la situation. Or, tous les signes montrent que l’armée russe va s’accrocher et ne concéder que des replis tactiques. Une fois de plus, l’Europe s’enfonce dans une guerre meurtrière.

La motion socialiste pose problème dans la mesure où l’armée ukrainienne, à l’instar des forces russes, mène ses opérations sans ménager les civils. Elle lance des attaques en zone urbaine, en n’hésitant pas à installer des troupes et des systèmes d’armement dans des écoles et des hôpitaux, comme l’a indiqué un rapport d’Amnesty International. Pour l’organisation de défense des droits humains, qu’on ne suspectera guère d’être pro-Russe, l’armée ukrainienne ne respecte pas le droit international humanitaire. Quelle que soit l’écrasante responsabilité de la Russie dans le conflit et les crimes dont elle s’est rendue coupable, il n’est pas souhaitable que la Suisse, dépositaire des conventions de Genève et siège du CICR, contribue à l’armer. Soulignons, en outre, que les autorités ukrainiennes ont suspendu l’activité de onze formations politiques russophones et de gauche, dont le premier parti d’opposition, ont interdit les grèves, supprimé la majorité des conventions collectives, facilité les licenciements et libéralisé le temps de travail.

Plutôt que de livrer des armes et au lieu de l’escalade militaire et de la fuite en avant, nous devons exiger un cessez-le-feu immédiat sans conditions et l’ouverture de négociations sans préalables. C’est la seule façon de sortir aujourd’hui du conflit. Les pays soutenant l’Ukraine peuvent obtenir l’arrêt des combats. La Suisse peut jouer un rôle. Mais la motion socialiste, si elle devait être acceptée par le Parlement, ne ferait que le compromettre et contribuerait à aggraver le conflit. Dans son texte «Au-dessus de la mêlée», publié en 1914 dans le Journal de Genève alors que l’Europe s’embrasait, l’écrivain Romain Rolland avait dénoncé l’absurdité de la guerre, de toutes les guerres, et loué la neutralité de la Suisse: «Il faut que dans la tempête, elle se dresse comme une île de justice et de paix, où, tels les grands couvents du premier Moyen Age, l’esprit trouve un asile contre la force effrénée, et où viennent aborder les nageurs fatigués de toutes les nations, tous ceux que lasse la haine et qui, malgré les crimes qu’ils ont vus et subis, persistent à aimer tous les hommes comme leurs frères.»