L’AVS: une conquête sociale de 75 ans!
Notre assurance vieillesse et survivants (AVS) est une conquête centrale du mouvement ouvrier suisse. L’exigence d’une protection contre la pauvreté au moment de la vieillesse était l’une des neuf revendications de la grève générale de 1918. Une grève survenue à l’issue de la Première Guerre mondiale, sur fond de crise et de vie chère affectant la population. Le conflit a éclaté face à l’intransigeance d’un gouvernement préférant appeler la troupe contre les travailleurs mobilisés à Zurich plutôt que d’accéder à leurs exigences. C’était il y a un peu plus de 100 ans. Malgré l’échec de la grève, puis l’opposition acharnée des bourgeois aux manettes du pays et du patronat, l’AVS a frayé son chemin.
Sept ans après la grève générale, en 1925, le peuple acceptait une modification de la Constitution instituant le principe d’une assurance vieillesse et survivants. Il faudra attendre encore des années pour qu’elle soit transposée dans une loi. Un premier projet est refusé en 1931. C’est en 1947, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, qu’une nouvelle loi voit le jour. Elle est plébiscitée par 80% des votants et entre en vigueur le 1er janvier 1948, il y a 75 ans. Les premières rentes allaient ainsi pouvoir être versées.
Lundi passé, les membres retraitées et retraités des fédérations syndicales de l’Union syndicale suisse, notamment d’Unia, du SEV, de Syndicom et du SSP, ont tenu à marquer cet anniversaire lors d’une manifestation à Berne à laquelle ont participé des personnalités syndicales et politiques. Sous la devise «L’heure des seniors», ils ont salué en l’AVS une «institution qui a assuré pendant des décennies la solidarité et la cohésion au sein de notre société et entre les générations et qu'il convient de préserver et de renforcer». Ils ont aussi égrené les problématiques et les défis auxquels est confronté notre système de retraites: menace d’un relèvement de l’âge de départ pour tous, réduction annoncée des prestations des caisses de pension dans le cadre de la réforme LPP 21, absence d’indexation des rentes et fortes baisses du pouvoir d’achat des pensionnés. Autre constat: l’objectif inscrit depuis 98 ans dans la Constitution disant explicitement que les rentes doivent couvrir les besoins vitaux des personnes à la retraite n’est toujours pas atteint. L’instauration d’un 2e pilier obligatoire a en effet drainé l’argent des salariés vers la capitalisation et les assureurs privés, au détriment du système de répartition, d’équité et de solidarité qui constitue le socle de l’AVS. Comme l’ont rappelé les retraitées et les retraités des syndicats, l’instauration d’une 13e rente AVS permettrait de se rapprocher de l’objectif constitutionnel et de combler quelque peu la baisse du pouvoir d’achat. Pour autant que le démantèlement de la LPP, qui prévoit des baisses de rentes et une hausse des cotisations, soit battu dans les urnes.
Aujourd’hui, comme il y a 100 ans, les forces du capital et de la finance continuent de convoiter l’argent des salariés pour augmenter leurs profits. Aujourd’hui, comme il y a 100 ans, la lutte des travailleuses et des travailleurs est indispensable pour améliorer les conditions d’existence des personnes qui produisent les richesses et pour contrer les tendances libérales à l’œuvre jusque dans nos assurances sociales. Il faudra s’en souvenir avant la votation sur la 13e rente et sur LPP 21, et mobiliser à tous les niveaux pour ne pas revivre le cauchemar d’AVS 21, où une poignée de voix ont permis à la contre-réforme de passer, au détriment des femmes qui verront leur vie laborieuse prolongée d’une année…