Sans salaire, sans papiers, sans logement…
Quelques jours avant le vote des députés, la Plateforme avait convoqué la presse pour insister sur l’urgence de la situation et le besoin de faire bouger les choses, très rapidement, pour venir en aide à ces travailleurs précaires. «Cette crise a rendu visibles les invisibles, a souligné Alain Bolle, directeur du CSP Genève. Nous avons été énormément sollicités et nous avons fait tout notre possible pour apporter notre soutien à ces personnes.» Au total, les associations ont déboursé 1,5 million de francs en quelques semaines. «Nous avons épuisé toutes nos ressources, cela montre que notre système social n’est pas du tout satisfaisant. C’est à l’Etat de prendre le relais!»
Aux côtés des représentants de cette Plateforme pour une sortie de crise sans exclusion, des travailleurs concernés sont venus apporter leur témoignage. Joséphine*, employée domestique originaire des Philippines, s’est retrouvée sans emploi du jour au lendemain: «La famille pour qui je travaillais m’a dit qu’il était plus prudent que je ne vienne pas et, comme à la fin du mois de mars, je n’avais pas reçu de salaire, je l’ai réclamé, et elle m’a dit que je ne serai pas payée, car je n’ai pas travaillé et que je n’ai pas de permis.»
De son côté, Antonio*, travailleur de la construction temporaire licencié le 13 mars, n’a pas eu droit aux RHT: «Je me suis inscrit au chômage, qui m’a répondu la semaine passée pour me dire qu’ils étudiaient mon dossier. Je n’ai pas touché un seul franc depuis le 13 mars et j’ai toutes mes factures à payer.» Cristian*, aussi dans le bâtiment, a travaillé sept mois pour un patron mal intentionné qui ne l’a payé que 2800 francs pour toute cette période. Il est viré sous prétexte de coronavirus et se retrouve à la rue: «Je n’ai pas de papier et c’est mon patron qui me logeait, je vis donc aujourd’hui dans une fourgonnette ou chez des amis quand cela est possible.»
Marc*, technicien auxiliaire depuis une vingtaine d’années dans un théâtre de la place, a vu son lieu de travail être fermé début mars. «La commune nous a indemnisés à hauteur de 2400 francs chacun, ce qui était déjà mince. Et quand j’ai voulu m’inscrire au chômage, on m’a dit que je n’y avais pas droit, car je n’avais pas assez cotisé à cause d’une longue période d’accident. J’ai donc fait une demande auprès de l’Hospice général, qui m’a aussi claqué la porte au nez, car je suis propriétaire d’un petit bateau que je retape estimé à plus de 4000 francs. J’ai des amis qui m’aident, je trouve des plans pour récupérer à manger, mais c’est quand même la catastrophe.»
*Prénoms d’emprunt.